À vingt-cinq ans, Alexandre Tansman brossait d’un geste preste son Sextuor, un ballet-bouffe pour la pièce d’Alexandre Arnoux, « Huon de Bordeaux », que Charles Dullin montait au Théâtre de l’Atelier. Tout son art y est déjà, orchestration bariolée, aux alliages instrumentaux abrasifs, suractivité rythmique, écriture par strates polytonales, une invention impertinente qui avoue à la fois la verte jeunesse de son auteur et sa maîtrise adressant ici et là un clin d’œil au « Rossignol » stravinskien. Figurez-vous que ce ballet décoiffant était resté aux oubliettes et qu’en voici le premier enregistrement, Wojciech Michniewski en conduisant l’irrépressible pantomime avec brio. Mais il y a plus, l’irrésistible « Bric à brac », ballet avec une pointe de surréel, des bouffées de jazz, des effets à la John Adams diablement précurseurs, un parfum de ballade de nuit urbaine qui ne s’oublie plus une fois qu’on l’a entendu, autre preuve que le ballet selon Alexandre Tansman avait sa propre singularité échappée de la tutelle stravinskienne qu’elle nargue même parfois avec une sorte de tendresse. C’est finement enlevé, cette fois par l’autre chef de ce disque, Lukasz Borowicz, qui me semble aller plus loin et dans la poésie et dans la verve que ne le fit jadis le pourtant excellent Israël Yinon, dont l’enregistrement a disparu corps et bien avec le catalogue Koch Schwann. Doublé excitant qui enfonce le clou : oui, Alexandre Tansman est un compositeur majeur du XXe siècle. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Compositeur "Français-Polonais" comme il aimait lui-même se définir, Alexandre Tansman s'inscrit dans le courant néoclassique qui voit le jour dans la France de l'entre-deux-guerres dans le sillage de Ravel et Stravinski, et qui s'est notamment illustré avec le groupe des Six et l'Ecole de Paris à laquelle il appartiendra. Prolifique, Tansman laisse plusieurs centaines de partitions, souvent de grande qualité, abordant quasiment tous les genres : opéras, oratorios, symphonies, concertos, musique de chambre, de films et de ballets. Parmi ces derniers, Sextuor (1923) et Bric-à-Brac (1935) reposent tous deux sur des arguments d'Alexandre Arnoux (1884-1973). Tragicomédie burlesque et fantastique, Sextuor raconte les amours dramatiques d'un violon et d'un violoncelle pour une flûte sous le regard complice d'un trombone, d'un tambour et d'un diapason, tandis que Bric-à-Brac nous emmène aux Puces de Clignancourt où une foule bigarrée déambule au milieu de mille objets disparates parmi lesquels des instruments de musique (Stradivarius, piano, harpe, tambourin, juke-box...) dont les sons transfigurent et anoblissent bientôt par magie ce pauvre et triste marché. Orchestrés avec humour, goût, finesse et clarté, ces ballets sont l'occasion pour Tansman d'écrire deux successions originales de tableaux mêlant danses (valse, foxtrot, charleston), romances, sérénades, chansons populaires et marches funèbre et nuptiale, tout en traduisant fidèlement la progression dramatique de l'action et les émotions des instruments-protagonistes. Captés lors du festival Tansman qui se tient en Pologne tous les deux ans, ces deux concerts sont à la fois brillants et euphorisants. (Alexis Brodsky) The stage had fascinated Alexander Tansman ever since his youth. One example is the music for Aristophanes’ Lysistrata, which was performed at the Polish Theater in Lodz in 1916. Alexandre Arnoux wrote the librettos for the ballets Sextuor and Bric à brac. The atmosphere of his novella Sextuor recalls E. T. A. Hoffmann’s romantic narratives. It is the dramatic love story of the passion shared by a violin and a violoncello for a flute. The actors are various musical instruments, and Tansman believed that here he had found ideal material for a ballet. And so it was: the work composed in 1923 was performed with great international success and made the young composer famous. Although he suffered a great loss when his mother died in 1935, Tansman found the strength to write a larger theatrical work. The result was the ballet Bric à brac. The director of the Grand Opéra in Paris wanted this ballet set between stalls of wood and corrugated iron at a flea market near the Porte de Clignancourt for a premiere during the 1939/40 season. However, the outbreak of World War II thwarted these plans. After long negotiations the work finally premiered on 30 November 1958.
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