Rien n’y faisait. Adolescent, si je voulais entendre Les Pins de Rome, j’avais beau essayer Toscanini, Reiner ou Dorati, je revenais toujours à un microsillon Supraphon où un quasi inconnu – en tous cas de moi – dirigeait l’Orchestre Philharmonique Tchèque : Antonio Pedrotti. La magie du Janicule, le mystère plus tendre qu’oppressant des Catacombes, tout y était si naturellement dit – et non dirigé – au point que la musique s’incarnait. D’autres catacombes m’attendaient chez le disquaire qui jouxtait l’Osteria della Posta ou je prenais mes déjeuners d’été à Florence, derrière le Duomo : celles des Tableaux d’une exposition, second microsillon de cet Antonio Pedrotti qui ne m’était toujours qu’un nom et à nouveau ce naturel, ce sentiment d’évidence, mais cette fois je percevais la donnée première de cet art si équilibré : la balance d’orchestre était réglée avec une finesse insensée, faisant paraitre aussi bien le décor de Ravel que les visions de l’original : la trompette obstinée de Samuel Goldenberg et Schmuÿle n’aura jamais sonné avec une caractérisation aussi exacte. Aucun de mes amis italiens ne pouvait m’en dire plus sur Pedrotti, tous étaient bien trop occupés à se disputer quant à la primauté entre Abbado et Muti, finalement j’ai continué à collationner ses disques et à me faire une raison : cette 4e de Brahms élancée, parfaitement construite, cette Italienne de Mendelssohn jouée très Schumann, avec un legato incroyable de lyrisme s’ajoutèrent à ma discothèque, témoignage d’un art qui me prouvait qu’entre De Sabata et la jeune génération un autre grand chef italien dévouant son art au répertoire symphonique avait bel et bien existé, même pour les romantiques allemands. Bien des années plus tard je découvris une sombre Seconde Suite de Daphnis et Chloé, un Prélude à l’après midi d’un faune d’une sensualité rêveuse, d’une densité expressive ou la Philharmonie Tchèque se surpassait et une suite de Ma mère l’Oye bercée de nostalgie. Eh bien ! finalement Supraphon aura fini par rééditer tout le legs que Pedrotti engrangea dans ses studios. La 4e de Brahms avait paru voici quelques années couplée avec le Concerto pour violon enregistré live sous l’archet de David Oïstrakh, voici maintenant qu’un coffret de trois disques regroupent l’ensemble des autres gravures. La réédition est splendide, ce son, cet espace, ces timbres précis, ces dynamiques enlevées soulignent à quel point l’art de Pedrotti était polyphonique. Et l’excellent texte de présentation de Petr Kadlec me dit enfin tout sur ce chef d’orchestre aussi peu connu qu’inspiré. J’ y apprend entre autre que Pedrotti dirigea la Philharmonie Tchèque pour quinze concerts de 1950 à 1957, tous enregistrés par la Radio de Prague. Et si Supraphon les publiait ? (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) "Regardless of his reputation and engagement elsewhere, the Czech cultural scene definitely has to count Antonio Pedrotti among the international élite of conductors,” a music critic wrote with regard to Pedrotti’s stirring performance with the Czech Philharmonic orchestra. Indeed, the world wanted Italian conductors willingly showing their southern temperament. There was no place for Pedrotti whose style of work was far from portentous and possessed an almost “non-- Italian” carefulness. Yet he became the most beloved foreign conductor with the Czech Philharmonic in the 1950s and 1960s. He was one of the first conductors to visit the orchestra from behind “the iron curtain” after Kubelík’s emigration. The musicians still remembered the high professional demands uncompromisingly required by Václav Talich, which was precisely what Pedrotti could follow up successfully. He conducted without score or baton, was consistent and always went straight to the point, yet he had a very humane approach.
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