La mystérieuse éloquence de L’Art de la fugue a trouvé en Martha Cook une avocate passionnée : voici des années qu’elle parcourt inlassablement à son clavecin ou dans son étude cette œuvre monde qu’on voit trop uniment comme une abstraction et où la guida Gustav Leonhardt. Abstrait, le jeu plein de caractère de Martha Cook ne l’est absolument pas. Ses polyphonies chantent, ses canons rayonnent, la rhétorique parle, le sens est partout. C’est que derrière les notes, elle a débusqué les sources de leur interprétation : Le Nouveau Testament a inspiré cette œuvre hors norme, c’est la thèse qu’elle soutient dans le passionnant ouvrage qu’elle vient de publier chez Fayard et que le disque vient à propos illustrer :non plus le recueil pédagogique qui en réduisait la portée, non plus simplement une suite de prospectives formelles qui en asséchait le sens, mais bel et bien une œuvre à la spiritualité rayonnante, une méditation ouverte sur l’infini. Son clavecin- un somptueux Willem Kroesbergen d’après Couchet, chante, sculpte les perspectives, galbe les phrases, ses contrepoints sont mobiles, fluides, les fugues sans plus rien de scholastique dressent leurs fûts de lumière, tout cela vibre et se déploie tel un fabuleux organisme vivant. C’est bien le miracle de vraie musique que l’œuvre espérait, enfin libérée du papier et des rigueurs du dogme. Et cet espace qui semble ouvert à l’infini fait L’Art de la Fugue soudain évident. Je vais sans cesse du livre au disque, trouvant ici les questions, là les réponses, jamais une construction en miroir entre mots et notes n’aura été aussi révélatrice d’un opus si souvent joué raide et droit, comme une punition. La musique, et jusqu’à une certaine dimension vocale s’y invitent en pleine lumière. Tentez cette double expérience (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)
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