Je collectionne les disques de Charles Owen depuis que j’ai découvert ses merveilleuses "Soirées de Nazelle", son piano franc, son art de chanter, son lyrisme généreux. Après Janacek, Fauré – Dieu que ses Barcarolles sont belles – Poulenc, je ne m’attendais pourtant pas à le voir rejoindre d’un coup le club assez fermé des jeunes pianistes qui se risquent à enregistrer Bach. Les Partitas n’en sont pas l’opus le plus facile, il faut y équilibrer l’introspection et les charmes, savoir construire un discours qui se fragmente dans les mouvements, trouver la ligne derrière les danses. Il fait tout cela magnifiquement dans une sorte de clarté un rien rêveuse que sa sonorité déploie naturellement, le tout dans une polyphonie ample, où tout chante mais aussi tout danse. Ce piano si épanoui et pourtant si discret dans ses émotions dégage une sérénité où le génie de Bach rayonne avec une tendresse inimitable. L’ornementation est modeste, rien ne doit nuire à la fluidité des lignes, à l’ouverture des polyphonies, le clavier est léger et timbré, avec quelque chose de l’équilibre chantant que mettait jadis Marcelle Meyer à ses Bach pour les Discophiles français. J’espère bien que cet album est l’alpha d’un voyage Bach selon Charles Owen, puisse-t-il le poursuivre sur le Steinway boisé qu’il joue ici dans la parfaite acoustique du Menuhin Hall de Cobham (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Les cinq Partitas de Jean Sébastien Bach composées entre 1726 1731 sont des suites de mouvements dansés dans le but, indique l’incipit, " … D’enchanter les esprits des amateurs de musique" par leur charme "cosmopolite" et la sophistication de leur écriture. Elles constituent le premier recueil du Clavier-Ubung et furent intégralement publiées par Bach comme opus 1. Le pianiste Charles Owen qui s’est distingué outre-Atlantique par des disques Fauré (Intégrales des Barcarolles et des Nocturnes), joue sur un piano moderne (Un Steinway D). Les tempi sont modérés, l’articulation est soignée sans aucune affectation (Zéro ornementation). Cette interprétation fluide et languide comme un discret courant d’eau claire, vaut surtout pour sa lisibilité, comme si l’auditeur lisait simultanément les notes sur la partition. A contrario, si les indications (et les reprises) sont respectées, chaque mouvement dansé n’est pas vraiment caractérisé et ce malgré le beau timbre du piano. Toccatas et Sinfonias d’ouverture sont abordées platement, et les "galanteries", ces danses brèves et bigarrées, sont ternes et dénervées. A la longue, cette absence de parti-pris, d’atmosphère, gomme les contrastes entre les Partitas (Pourtant analysées de façon pertinente par Owen dans sa notice) et plus embêtant, entre chaque section (un prélude d’une bourrée, une allemande d’une courante). Exemple : la gigue fuguée de la Cinquième Partita, ébouriffante sous les doigts d’un Scott Ross ou d’un Glenn Gould, s’avère ici bien prosaïque. A réserver aux amateurs de beau piano. (Jérôme Angouillant)
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