Il y a peu de sentiments aussi caractéristiques du baroque germanique que l'épectase luthérienne, tant illustrée par les artistes et louée par les théologiens. Les œuvres rassemblées dans cet enregistrement par Marcel Ponseele sont de superbes exemples de cette attente d'une mort rédemptrice, douce et sereine. Les cantates BWV 27 et 55 de Johann Sebastian Bach allient avec expressivité et mélancolie les deux fondement de l'art, unis dans l'amour divin : eros et thanatos. C'est également le sentiment dominant dans le merveilleux aria spirituel Schage doch, gewünschte Stunde de Georg Melchior Hoffmann (longtemps attribué à Bach) : la cloche y égraine les heures qui séparent le croyant de sa mort tant désirée alors que l'alto développe une mélodie sensuelle et lyrique mêlée de figuralismes. Damien Guillon en donne une interprétation plus incarnée que le légendaire enregistrement de Henri Ledroit. L'ensemble Il Gardellino a fait le choix d'un orchestre limité à un instrumentiste par partie ; ce qui met admirablement en évidence la prodigieuse polyphonie de l'écriture de Bach et de Telemann, et permet d'apprécier pleinement les somptueux timbres des instruments (particulièrement quand les 4 cordes se lient bois). Cette lisibilité, accentuée par de beaux phrasés et des basses très souples et rythmiques, donne à l'ensemble une cohérence dramatique admirable. Le quatuor de solistes fait également preuve d'une grande intelligence rhétorique, laissant le Beau émerger de la puissance expressive de la musique et non d'artifices techniques. La prise de son très proche, l'esprit chambriste de l'orchestre et l'imbrication des voix et des instruments, enveloppent avec douceur et complexité, un auditeur au comble du plaisir : Komm, sanfter Tod ! (Jean-Michel Hey) This is the fifth cd in a series of cantatas performed by il Gardellino on the awkward theme of ‘death and redemption’. During the XVIII century, the ravages of the Thirty Years’ War led in the Germanic lands to an outburst of mysticism, to which meditation on the meaning of life and death was central. This essential metaphysical question, which troubles every human being, was known to be particularly intense in those days, when two-thirds of the population had perished in horrific circumstances. And it is Christian piety, especially Lutheran, which provided its responses and consolations. Since life is ephemeral and for everyone is only full of cares and worries, afflictions and misfortune, it should be finished soon in order to be delivered from it. It is through the sleep of death that the Christian will attain the new birth, resurrection and entrance into another world, that of eternal peace. In our modern world where we like to hide suffering and death as much as possible, this cd does not seem to have an attractive commercial theme, but as it is about baroque music, it is in this domain that Bach and Telemann composed truly genial musical pages! Just as Haendel is an expert in the expression of Joy, Bach is at his strongest in rendering the sad, the longing for a better world.
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