90 ans : Paul Badura-Skoda décide de les passer en scène, le Musikverein offre au plus viennois des pianistes sa Goldener Saal, et le voici avec son indispensable couvre-chef (Gulda avait à peu près le même) s’asseyant au piano sans façon et phrasant le presque rien de la première Bagatelle, op. 126. Puisqu’il est parvenu à cet âge en chiffre rond, il s’offre un concert avec les ultimes opus de Beethoven : Rudolf Serkin lui aussi fit ainsi, revenant à cet ultima verba dans les dernières forces du grand âge qui pour ces artistes est encore une jeunesse. D’ailleurs les doigts de Paul Badura-Skoda restent alertes, si quelques notes tombent sous le clavier c’est dans l’enthousiasme d’un trait, dans une humeur, dans un caprice comme improvisé, dans les Bagatelles comme au cours des trois dernières Sonates, toutes faites simples, délestées de la moindre tentation métaphysique. Et ce qui étonne d’abords, c’est la beauté de la sonorité, ce quelque chose de doré que Badura-Skoda n’eut pas toujours, qu’il aura appris de la longue fréquentation des pianofortes de l’époque de Beethoven et de Schubert, un cantabile naturel qui chante dans et par les couleurs des cordes, le boisé du meuble, la souplesse des feutres des marteaux qui peuvent ourler la note. On le suit, incrédule, dans ce voyage de musique, et je peine à croire qu’on ne le verra plus, silhouette furtive vite s’asseyant derrière le clavier pour plus vite jouer encore. Bémol : un interviewer falot pose quelques questions convenues au pianiste. Il lui répond, l’œil un peu désolé, essayant d’animer un rien ce vague qu’on lui adresse, c’est la politesse du cœur, celle d’un artiste qui sait bien que son art parle mieux de lui que lui-même. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) One of the greatest evenings in the Golden Hall of the Vienna Musikverein in 2017 was without any doubt the festive concert for the 90th birthday of Paul Badura-Skoda on 15 October. The standing ovation in the audience's welcome to Badura-Skoda was a prelude to a pianistic moment of glory for all those involved, something they had hardly ever experienced before in this intimacy. The following piano marathon, which Paul Badura-Skoda mastered with flying colors, would have demanded the utmost respect from the audience even with a half-old pianist. The program featured six Bagatelles and the three last piano sonatas by Beethoven, a program which by means of Paul Badura- Skoda’s interpretation allowed in addition to a demonstration of his stupendous technique for a spiritual and emotional penetration of this crowning Beethovenian piano music, enthusing the audience. The evening ended as it had begun – with unanimously standing ovation of an audience that bid its darling farewell with a storm of applause and flower greetings, and that itself was walking out into this october night with blessed and overflowing hearts, an october which was one of the warmest since weather records began. Luckily, this unique concert on October 15, 2017 was recorded, so this recording also conveys the atmospheric impetus of this great evening in the Wiener Musikverein. And maybe the warmth of this starry October night is still to be felt.
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