Beethoven parvenu au sommet de son art ne quittait plus son piano, creuset de sa grammaire, et y revenait aux deux principes qui la formèrent : l’improvisation et la variation. C’est le sujet et l’objet de cette nouvelle incursion qu’Evgeni Koroliov conduit dans les opus de la maturité. Les deux ultimes cahiers de Bagatelles, sont absolument des improvisations, mais Koroliov les joue en les ordonnant, grand piano classique qui fuit absolument les humeurs, la folie, le gout de la provocation qu’y aura débusqués avec une pointe de génie Stephen Bishop-Kovacevich. L’improvisation oui, la folie non. Du coup les Bagatelles prennent une autre dimension, plus réflexives, elles sonnent comme le journal secret qu’un homme de génie écrirait à son clavier et pour son clavier, dialogue de l’intime qui peut aller jusqu’aux tréfonds de l’expérience harmonique (le moderato cantabile de l’opus 119). Pour les Bagatelles l’optique est révélatrice, elle l’est tout autant dans les Variations Diabelli, dont le thème n’est que le prétexte, vite oublié, à une suite d’humeurs pianistiques qui justement pourraient- être autant de Bagatelles. Koroliov les joue ainsi, égrenées en quelque sorte dans un flot de fantaisie souvent interrogatif, ouvrant ce cahier que bien des pianistes enferment dans un souci formel que le russe n’y voit pas, où plutôt qu’il incarne seulement dans le grand son absolument classique de son splendide Steinway réglé à la perfection par Gerd Finkenstein. Du coup, ses Diabelli ne ressemblent à aucune des versions récemment enregistrées, elles m’évoquent par leur beauté un rien étrange celles de Schnabel, si peu connues d’ailleurs… Cet album assez fabuleux s’ouvre par la Grande Fugue comme Beethoven l’a transcrite pour son instrument, œuvre inextinguible où Koroliov retrouve Ljupka Hadzigeorgieva : lecture aux escarpements dantesques. Prise de son sublime, comme toujours chez Tacet, l’un des rares éditeurs phonographiques qui sache enregistrer le piano (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Although Beethoven's opus numbers extend to op. 135, there were no more piano sonatas after op. 111. There is, though, a variation cycle lasting almost an hour on a simple theme by Anton Diabelli. This astonishing cycle takes the listener into such distant moods, that even after the first variation it doesn't matter what the theme is, it is all so unmistakably Beethoven. Also on this disc, two cycles of "simple" piano pieces entitled "Bagatelles". Small, unimportant things, trivialities, which make you think involuntarily of much later romantic composers. And finally, the usually so self-critical Beethoven allocated his penultimate opus number (op. 134) to a "simple" piano score of the "Große Fuge" op. 133! So how does all this fit together? Obviously, the scope of classical forms was too narrow for Beethoven. Did this apparent simplicity serve a wider purpose? The very last movement of the very last opus, the string quartet op. 135, is based on the text "Must it be? - It must be! " Was Beethoven in his last works pursuing an overall objective? Or did it all just happen like that? Find out now! You can find these last works for piano alongside each other on a double CD. Just listen to the first few seconds of the "Große Fuge" with Ljupka Hadzigeorgiewa and Evgeni Koroliov. Succumb to the charm and allure of these two musicians, who lead us selflessly and confidently through this perplexing hiatus in musical history.
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