Un premier opus dédié à Mozart m’avait tiré l’oreille. Ce piano si timbré, au legato si naturel, cet équilibre du clavier, l’évidence des conceptions disaient assez que Jan Bartos était un pianiste considérable. Ce que confirme aujourd’hui ce double album Beethoven. Commencez par les "Bagatelles", op. 126, l’exacte pesée de l’"Andante con moto" dit en quelques secondes la justesse de sa vision, avec cette ombre de mélancolie mesurée qu’on y met rarement. Et que ce piano est beau, qui rugit calmement dans la profondeur de son harmonie, jusque dans sa mesure qui refuse le pathos ou les effets, préférant creuser le discours, tendre les lignes, ordonner tout dans un geste souverain. Ce piano pense, et pour Beethoven c’est une nécessité trop souvent niée. Il pense autant dans les premières Sonates – l’orchestre de l’op. 2 n° 3 est ici stupéfiant avec ses fusées et ses thèmes héroïques, la 9e, architecturée par ses contrastes même, passionnante – que dans une "Appassionata" très décantée, sombre, intense dans cette retenue qui lui donne soudain une profondeur quasi philosophique, très au-delà du Sturm und Drang auquel on la raccroche trop facilement. Mais le second disque va plus loin, "Variations originales" modernes comme Gilels aimait les faire, Bagatelles poétisées jusqu’à l’étrange (et avec déjà les sfumatos, les ellipses de timbres des ultimes Klavierstücke de Brahms), et un op. 111 intense, comme prié. Et demain si ce clavier ample et tenu allait voir du coté de Brahms ? (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Launching his Mozart debut recorded with the Czech Philharmonic and Jirí Belohlávek (Supraphon 2017), Jan Bartoš drew to himself a lot of critical attention on an international scale. Those who reviewed the album especially appreciated his rare ability to combine thorough understanding both of the musical architecture and the deep emotionality of the works (a quality possessed also by the pianist’s tutors Ivan Moravec and Alfred Brendel). From the early “Haydn-like” Sonata No. 3 in C major to the highly dramatic “Appassionata” to the transcendent last Sonata No. 32 in C minor, which gives an impression of the composer parting with this world, the pianist facilitates to us the amazing integrity and colourfulness of Beethoven’s piano work. During the thirty years separating his first and last piano opus, the composer tried out numberless experiments, and yet some crucial themes come up again and again; the imprint of his unique musical DNA is discernible from his very first opuses. In the hands of Jan Bartoš, Beethoven whispers, sings and thunders. We encounter a world full of contrasts, an image whose colours remain impressed in our memory for a long time.
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