Comme c’est preste ! Steven Osborne s’élance dans "sa" Hammerklavier avec le délié athlétique d’un pur sang, ces muscles, cette ardeur, et pourtant un contrôle du son qui calibre tout. C’est un peu ce qui fait à mon sens ici un bémol, léger mais certain. Si l’on a les moyens - et Osborne les a- de produire dans la première page de la Hammerklavier l’effet de stupeur que voulait imposer Beethoven, alors il faut foudroyer. L’élan est formidable, il lui manque justement ce foudroiement que Schnabel savait produire, quitte à laisser des notes sous le clavier. Et nul ne doute qu’au fond Schnabel aura été ici le modèle d’Osborne. Mais enfin, ne barguignons pas, Osborne unifie toute cette improbable, fantasque, délirante construction onirique qu’est la Hammerklavier pour son plus grand bien : il la joue prestissimo (la Fugue !), lui donne une envolée où le (trop ?) beau son règne toujours. Quel pianiste, quels moyens ! L’Opus 101, commencé comme une confidence un peu capricieuse, dans un ton de bagatelle, tire immédiatement l’oreille. Mais rapidement, l’urgence manque, les doigts se perdent dans les détails, cela musarde et continue de se promener dans une Vivace très peu alla marcia. C’est beau de bout en bout, mais exaltant jamais. Plus difficile encore, la brève Sonate op. 90, avec ses airs troubadour et ses interrogations déconcertantes. Osborne en trouve les couleurs pour le premier mouvement, mais le Rondeau ensuite lui glisse des doigts, joli, univoque, endormi dans un tempo lissé qui va s’endormant. Beethoven, c’est difficile….. (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Rarement le début de la Sonate Hammerklavier n'aura sonné avec tant de fougue. C'est que Steven Osborne fait partie des interprètes qui considèrent que les tempos de Beethoven, aussi rapides soient-ils, ne sont pas le résultat d'un métronome défectueux. Joué de cette façon rythmique et extrêmement engagée, le premier mouvement affiche une énergie conquérante qui dépasse tout ce qui avait été exigé du piano jusqu'alors. Grâce à un dosage extrêmement juste des nuances et un contrôle des moindres détails, Osborne parvient à clarifier l'effroyable complexité des passages fugués. Le final acquiert ainsi une cohérence rare qui impressionnera l'auditeur. Mais tout n'est pas virtuosité ici. Le pianiste est trop bon musicien pour sacrifier le miracle de poésie qu'est l'Adagio. Il en souligne l'aspect polyphonique, la variété des couleurs, la pensée orchestrale. Sous ses doigts, ce mouvement lent est frère de celui de la Neuvième Symphonie. Les deux autres Sonates, quoique sans indications métronomiques, sont interprétées avec la même approche. On y retrouve toutes les qualités de la Hammerklavier : le souci des nuances (dans la Marche de l'op. 101), la transparence des polyphonies (dans l'impossible fugue de l'op. 101), l'équilibre orchestral. Un disque passionnant à ranger dans la discographie sans faute du musicien anglais. (Thomas Herreng)
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