Disparu subitement le 9 décembre 2010 l’année de ses soixante-dix ans, Boris Tishchenko aura composé un des œuvres majeurs de la musique russe du XXe Siècle. On commence seulement à prendre la mesure du sombre génie de celui que Chostakovitch admirait alors qu’il avait en face de lui un jeune-homme : l’auteur de Lady Macbeth de Mrzenk lui orchestrera son Premier Concerto pour violoncelle, étrange manière de lui faire un cadeau, Tishchenko lui rendra la pareille en orchestrant sous l’œil de son mentor quelques unes de ses pièces. Rien d’étonnant au fond, ils utilisaient la même encre sinon la même plume. Mais l’autre professeur de Tishchenko, Galina Ustvolskaya, l’aura mené sur des chemins autrement ouverts dont les partitions aventureuses du jeune compositeur feront leur miel. Au fil des années, cette langue roide, dure comme de l’acier, se radicalisera plus encore, orchestre fuligineux ou piano itératif, dressé dans ses accords entre protestation et répression. La Sixième Sonate est entièrement cela, droite, terrible, comme écorchée vive par sa propre écriture, elle est sans aucun répit, épuisante, fascinante, et jouée avec cette violence que seul le compositeur pouvait y mettre l’encre en semble à peine sèche. Six années la séparent de la stupéfiante 7e Sonate, achevée en 1982, qui ajoute au piano un jeu de cloches. Une œuvre emblématique de la maturité de son style, qui se fraya un chemin hors de Russie grâce à son alliage de timbres surprenant, mais aussi par son mélange irrésistible de lyrisme et d’ironie. A la coda une petite musique insignifiante fait comme passer la silhouette de Chostakovitch. Les nombreux sous entendus de cette œuvre caméléonesque appellent évidement l’interprétation du compositeur, assez libre d’ailleurs. Disque parfait, je suis curieux des autres car l’éditeur, qui a également publié certaines des Symphonies, annonce une intégrale des opus de piano… (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)
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