Chaplin composa au moins un chef d’œuvre : sa musique pour ses Temps Modernes. Les délires absurdes de l’ère industrielle lui inspirèrent une fantastique machine sonore qu’Edward Powell et David Raskin orchestrent ici d’après la restauration basée sur les manuscrits originaux et la bande son du film menée à bien par Timothy Brock de 1999 à 2000. Brock dirige lui-même cette vaste symphonie en dix épisodes enchainés dont l’invention délirante, les thèmes iconoclastes et la verve narrative témoignent du génie de Chaplin musicien. C’est mené de main de maitre, joué avec brio et minutie par l’Orchestre Philharmonique de Hanovre, et confirme qu’en 1936, cette musique de film était absolument étrangère à ce que tous les compositeurs écrivaient pour la pellicule. Car Chaplin ne crée pas des décors, il crée une seconde histoire qui calque celle de l’image, pas une illustration ni un commentaire, un film sonore parallèle. Saisissant, réjouissant (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Le cinéphile moyen ne sait pas assez qu'en musique, Charlie Chaplin, habile pianiste et violoniste, n'était pas un charlot. Grand touche-à-tout des moyens du bord, il composait délicieusement des accompagnements pour ses films muets, à exécuter donc en direct à la projection, d'où terribles problèmes de mise en place pour les exécutants, au gag instantané près (pour être synchro, magnons !). Seul problème d'autodidacte, notre génie du cinéma ne savait pas retranscrire sur papier ses compositions. Il faisait appel à des pros ou autres cadors de la transcription comme le compositeur Alfred Newman, l'arrangeur Edward Powell ou l'encore tout jeune David Raksin. D'où une formidable bande-son des Temps modernes où jouent hautbois et piccolos, où résonnent clarinette basse et tout l'arbre généalogique du saxo, en passant par trombones, tubas et percussions, cymbales et vibraphones, marimbas et celesta, gong, castagnettes, triangle et même cordes. Cette crème fouettée reste incroyablement légère en bouche, grâce ici aussi à un excellent orchestre et à son chef, spécialiste des restaurations de ce genre de partitions (ou d'absence de...), qui a par exemple réexhumé des musiques de films de Chostakovich, et dont le talent dans la réanimation des projections muettes à travers le monde le fait apparaître comme un véritable co-compositeur. De quoi à rebours reconstituer dans la tête du mélomane – avec l'aide ici des photos du livret – les images du film. Images d'une telle perfection, dans leurs rythmes comme dans leurs transitions, qu'on peut finalement se demander si tout l'art de Chaplin, de toute façon, n'était pas essentiellement, profondément, synthétiquement d'essence musicale. Comme certains pensent en images, ne voyait-il pas en musique ? (Gilles-Daniel Percet) Everybody knows that Charlie Chaplin was one of film history’s greatest original geniuses. However, the fact that he was a gifted inventor of melodies and the meticulous musical dramaturge of his films is known only to a very few. When he came up with the music for City Lights in 1930, he caught the infectious virus of film music. After the completion of Modern Times, he composed the music for all his other films, including The Great Dictator, Limelight, and A King in New York. The complex, innovative music for Modern Times, composed in 1935, certainly represents the high point of his compositional career. This music has the symphonic dimensions of an orchestra consisting of almost seventy members. Although Chaplin played the violin and piano and had a highly developed understanding of music, he was unable to commit notes to paper – and was not alone here: many great popular composers such as Irving Berlin could not write their scores. For notation and orchestration Chaplin relied on his associate David Raksin. Nevertheless, almost every measure of the score contains the unmistakable traits of its author. It is not without reason that musicologists term certain chords and melodies »Chaplinesque,« and it is hardly coincidental that each and every Chaplin film looks like and sounds like … Chaplin!
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