Le temps du classicisme serait-il venu même pour ce journal de notre temps que sont les Quatuors de Chostakovitch ? La distance que met le Quatuor Pavel Haas dans le terrible carnet de guerre qu’est le sinistre Deuxième Quatuor (1944), qui est en fait une vraie symphonie, semble l’indiquer. Ce que l’on perd en tension si on compare leur lecture à celle du Quatuor Beethoven, les créateurs de l’œuvre, on le gagne par un sentiment aigu de désespoir, mais comme quintessencié. Le jeu des quatre amis tchèques est admirable de suggestion, il a vraiment l’élégance du désespoir, quelque chose de sinistre mais en habit de gala : écoutez seulement la valse de la Romance. Le 7e Quatuor est l’une des œuvres les plus intimes de Chostakovitch, c’est un petit requiem désolé à la mémoire de sa première épouse, Nina Varzar : treize minutes entre chiens et loups que les Haas murmurent avant de faire tonner la fugue comme un cri. Cette fois aucune distance, cette musique brûle. Dans la grande nuit amère du 8e Quatuor, journal de la désillusion ultime, du quasi renoncement, écrit sous le coup de sa rencontre avec Issak Glikman lors d’un séjour à Leningrad, ils amincissent le son, sculptent un crépuscule de ténèbres dans lequel passent tel des lambeaux les fantômes de citations tirées de ses œuvres antérieures, danse étrange qui sous les archets des tchèques devient quasiment un geste esthétisant : trop de beauté ? Non, car derrière cette perfection les tourments du compositeur se dessinent plus nettement. Au fond ce disque impeccable, implacable, est cruel comme l’époque qu’aura traversé, épuisé, détruit, celui qui n’aurait jamais voulu vivre dans un tel monde. Les notes de Boris Giltburg, ami et pianiste attitré du Quatuor Haas, sont parfaites. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Shostakovich – his music is a challenge each and every quartet sooner or later has to face up to. Yet when it comes to the Pavel Haas Quartet, it seems to be in their very DNA. The ensemble’s unbridled, impulsive and, now and then, frenetic energy, sense for extreme contrast, ability to bring to bear gradation from breath-taking subtlety and tenderness to symphonic drama are facets essentially incident to Shostakovich’s music. Although composed in safety, away from the horrors of World War II, String Quartet No. 2 (1944) reflects the suffering, uncertainty and anxiety of living at the time (the lyrical Recitative of the second movement, as performed by Veronika Jarušková, the first violin). Both dating from 1960, String Quartets Nos. 7 and 8 are truly intimate confessions. While Shostakovich dedicated the former (the shortest piece of the cycle) to the memory of his first wife, he most likely intended the latter as his own epitaph, at the time when be hovered on the thin line between life and death. Attesting to the autobiographical nature of String Quartet No. 8 is the opening DSCH motif, Shostakovich’s musical signature, which reoccurs throughout the piece.
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