De son temps de Munich, Christian Thielemann avait commencé sa saga Bruckner, 5e impavide pour Deutsche Grammophon, l’image s’ajoutant pour des 4e et 7e (CM701908) déjà publiées par C Major, où l’espace se creusait, allant jusqu’au vertige dans la 7e. Plus encore que Wagner, il était ici chez lui, ancré dans cette tradition qu’il revendique. Mais concernant Bruckner laquelle d’ailleurs précisément? On l’associe par facilité avec Furtwängler, mais alors pas pour Bruckner justement qu’il élève hors de toute violence, dont il tient le tempo en refusant les déflagrations dont Furtwängler l’implosait. Il y a du Böhm dans sa manière, une façon d’inviter le temps long, de faire rayonner les notes, de creuser les accords, c’est sensible plus encore dans les adagios, où il cherche le son du silence. Celui de sa Sixième Symphonie est simplement vertigineux à force d’immobilité, il y est chez lui dans ce presque rien de sollicitation qui aux dernières pages du mouvement suscite ce rai de soleil où le hautbois chante à peine, merveille que recueille le quatuor de la Staatskapelle. Quel orchestre, tellement chez lui chez Bruckner, et qui aura appris avec Jochum à en saisir la quintessence. Sixième d’anthologie donc, à laquelle la Troisième (CM740808), filmée à la Philharmonie de Munich lors de la tournée allemande de l’orchestre en septembre 2016, ne cède que d’une courte tête, un rien raidie par une volonté marquée de clarifier les textures, on le voit d’ailleurs, Thielemann y est avare de geste, alors que dans la Sixième son bras allait chercher les instruments, mais comme tout cela rayonne dans la sombre lumière des saxons ! (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Inévitablement, Christian Thielemann se devait de trouver le chemin de la musique de Bruckner. D’un projet d’intégrale à Munich avorté quand le maestro claqua la porte, il ne reste que les 4° et 7° symphonies (C Major également). A Dresde, son nouveau port d’attache, sa programmation fait la part belle aux symphonies du maître de Saint Florian, et chaque année il ouvre sa saison avec l’une d’elles. On sait d’ailleurs que c’est le triomphe rencontré avec une interprétation de la 8° qui lui a conquis les suffrages de l’orchestre. Captée dans le somptueux écrin du Semper Oper à l’automne 2015, cette sixième s’impose par la splendeur de l’orchestre saxon comme par la rigueur de la baguette de Thielemann, particulièrement à l’aise dans ces vastes architectures sonores dont il maîtrise comme peu de ses collègues la grande forme. On retrouve sa battue inimitable, les temps marqués vers le haut, comme sa propension à ralentir de façon assez emphatiques les fins des mouvements comme pour souligner les retours des grands thèmes triomphaux. Mais l’émotion qui sourd du sublime adagio est bien réelle et la tension du concert se communique aux auditeurs grâce au pouvoir de l’image. Pierre après pierre, c’est bien une nouvelle intégrale majeure que le chef berlinois édifie avec la patience qui sied aux grands interprètes brucknériens. (Richard Wander)
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