En 1994, John Adams réunit et para de son orchestre quatre poèmes de Charles Baudelaire que Debussy mit en musique : Le balcon, Harmonies du soir, Le jet d’eau, Recueillement, intitulant ce recueil à quatre mains « Le Livre de Baudelaire ». Merveille qui montre une intimité musicale confondante entre les univers des deux compositeurs, Adams fondant son orchestre dans celui de Pelléas et Mélisande qu’il évoque sans cesse, paradis absolu de la première modernité. Cela nous vaut un cycle majeur, trop rarement donné, dont Christiane Karg distille les étranges poésies avec son français parfait et de sa voix de parfum, merveille dont je ne peux quitter l’écoute tant son timbre se mire dans l’orchestre profond et secret distillé par David Afkham. Ils mettent en regard l’opus de Debussy/Adams avec les Quatre chansons françaises écrites d’un jet par le jeune Benjamin Britten (seize ans !) en juin 1928, songe de printemps où il caresse avec des voluptés là aussi toutes debussystes les vers d’Hugo et de Verlaine. Même si Elisabeth Söderström puis Felicity Lott en avait offert de magnifiques lectures, Christiane Karg va plus loin dans les poèmes, allusive, subtile, sensuelle. L’Epiphanie de Koechlin, rareté, ajoute à la mélancolie du disque, alors que les trois Duparc montrent à quel chant glorieux, tenu, évocateur mais altier, Christiane Karg parvient aujourd’hui. Ce premier opus français d’une des plus belles sopranos de sa génération doit en appeler d’autres : les Poèmes hindous de Delage, les Mallarmé de Ravel, la Lyrique Japonaise de Stravinsky et quelques autres recueils de la même eau, l’espèrent. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Ce florilège de poèmes français de la seconde moitié du 19ème siècle témoigne d’une double influence impressionniste et symboliste. Il s’agit le plus souvent d’instantanés. Les poètes ne cherchent pas à restituer avec un quelconque réalisme l’expérience vécue. Du foisonnement de symboles et d’images, l’instant décrit tire un caractère particulier et unique qui transcende la réalité. Tel un subtil effluve, il s’envole et ne laisse derrière lui qu’un élégant sillage. De tout temps, les parfums ont inspiré les poètes. Si j’ai choisi d’intituler cet enregistrement « Parfum », c’est aussi parce que ces compositions en soulignent la nature éphémère et impalpable. Cette douce mélancolie, qui s’évanouit dès qu’on en a conscience, ne s’épanouit parfaitement que dans le souvenir et une métamorphose poétique et musicale, forçant ainsi l’auditeur à laisser libre cours à son imagination. Né il y a plus d’un siècle, le mouvement artistique prônant « l'art pour l'art » se répandit en France, en Allemagne et dans toute l’Europe. Issus de cette inspiration, ces poèmes cherchent à concilier l’artificialité et la beauté pure – tantôt en pastels clairs, tantôt en teintes sombres et soutenues, mais toujours avec cette limpidité propre à la langue française. This selection of French poems from the second half of the nineteenth century is influenced by the Impressionism and Symbolism of that era. Most of them are snapshots, though the authors were not simply interested in a simple and realistic reproduction of what they had experienced: in fact, they contain a host of symbols and linguistic images that lend the event being described a special and unique character that goes far beyond the reality: like the aroma of a costly perfume that evaporates and leaves behind just a hint of elegance. And since the poetry loves that word so much and the setting of these poems emphasises evanescence and the intangible, “Parfum” seemed to me to be the ideal title for this recording. That gives a lovely sense of melancholy that evaporates as soon as one is aware of it, and only blossoms in the poetry and the music through memory and refinement, obliging listeners to give free rein to their imaginations. The “l’art pour l’art” movement, that is art for art’s sake, in the spirit of which these poems were written has perfused the art of France, Germany and all the other European nations for more than 100 years. The desire for artificiality and pure beauty – now in soft pastel tones, then in dark, rich colours, but always with a transparency that is inherent in the French style.
|