Ce provocateur de Krenek ! En 1928, l’Allemagne célébrait le centenaire de la mort de Schubert. L’année suivante, le compositeur de Johny spielt auf, lui-même fort engagé dans la redécouverte du continent Schubert, écrivait son propre "voyage mélodique", juste au bord d’aller verser dans le dodécaphonisme. Qu’est donc ce "Reisebuch aus dem österreichischen Alpen" ? A la fois une mise à distance du Winterreise Schubertien, et une allégeance, un décalque ironique et une vraie continuation du projet de Schubert, le passé et le futur unis, mariés, dans un cycle fascinant où les doubles sens abondent, où le chanteur doit pouvoir solliciter plusieurs niveaux de lectures , et se conformer à un style bien particulier où le chant laisse souvent la place à un parlando que les ténors ou les barytons viennois saisissent d’emblée : Julius Patzak sur ses vieux jours en a laissé une version mémorable qui donnait la main, en esprit, au "Krämerspiegel" de Richard Strauss. Florian Boesch n’a pas la même alacrité, l’esprit aussi mordant, mais enfin, il est à sa manière assez subtil pour incarner l’ironie jazzie et les saillies délurées qui font le sel d’un cycle inclassable. Pourtant je le trouve bien plus à son affaire dans les somptueux quatre Lieder de Zemlinsky placés à la fin de ce disque où le piano subtil de Roger Vignoles s’impose. Et s’ils allaient voir du coté de l’auteur de la "Symphonie Lyrique" ? (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Disons-le d’emblée, cet enregistrement est une petite merveille à consommer sans modération. E. KRENEK a vécu avec le XXième. Il divorcera de Anna MALHER, et se remariera deux fois. D’abord influencé par les maîtres viennois, il change plusieurs fois de style pour devenir plus accessible. Il devient célèbre dans le monde entier à 27 ans avec son opéra « Jonny spielt auf » (traduit en 18 langues) et enchaîne avec ce cycle de lieder op.62 sur ses propres textes. C’est une sorte de guide du voyageur en quatre parties dialoguant avec un piano parfois orchestral. L’impression générale est d’une fraicheur remarquable, marquée ici ou là par des accents plus solennels. Florian BOESCH baryton « profond » au timbre chaleureux, dialogue avec Roger VIGNOLLES que l’on ne présente plus. Le duo est parfait comme dans Unser Wein ou encore dans le surprenant Politik. E. KRENEK laisse plus de cent lieder, sur 242 œuvres au catalogue. Il s’essaya à tous les genres (y compris la musique électronique). Chef d’orchestre infatigable et compositeur devenu américain en 1945, il a atteint une maitrise extraordinaire dans tous les styles. Le duo a ajouté quatre courts lieder de A. ZEMLINSKY dont un magnifique Waldgespräch. (Jean Bacot)
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