Erwin Schulhoff Menschheit - Le Bourgeois gentilhomme Soffel Rische Albrecht - C056031

Il aura fallu un demi-siècle pour s’apercevoir de la place première que tenait l’œuvre d’Erwin Schulhoff dans l’Histoire de la musique moderne. On croyait que de son immense catalogue Supraphon avait révélé toutes les partitions essentielles au long de sa vaste anthologie, mais c’était sans compter sur Gerd Albrecht et son génie de la découverte. En 1999, il entrainait le mezzo profond de Doris Soffel dans l’enregistrement de deux partitions majeures restées dans les rayonnages des bibliothèques : Landschaften, écrit sous le traumatisme de la Grande Guerre semble directement coulé des sombres inspirations de la Symphonie Lyrique de Zemlinsky et souligne à quel point le jeune Schulhoff était fasciné par Gustav Mahler et ses amis de la Seconde Ecole de Vienne. Partition magnifique plongée dans les diaprures d’un monde sonore idéal assez Schreker par instant, qui n’est plus considéré qu’avec une certaine ironie quelque mois plus tard dans l’autre symphonie pour voix d’alto et orchestre, Menschheit, conte désabusé où l’orchestre semble célébré un paradis perdu alors que les poèmes de Däubler sont d’un pessimisme terrible. Là encore les références à Mahler abondent, et Doris Soffel fait entendre les parentés évidentes avec Le Chant de la Terre. Quel contraste lorsque résonnent les éclats néo-classiques, la verve persiffleuse de la Musique pour Le Bourgeois gentilhomme, orchestre d’épices, formules mordantes, traits ironiques, ce ballet un peu nègre, assez jazzi, cache en fait un concerto pour piano bois et percussion où parait l’enfant terrible Schulhoff, celui qui fut l’un des maîtres du surréalisme en musique : Michel Rische s’y amuse, pianiste fabuleux chez lui dans cet univers abracadabrantesque. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

Tirée de l’oubli il y a seulement quelques décennies, la musique de Schulhoff nous réserve de passionnantes découvertes. Cette parution dans la collection Musica Rediviva - qui porte décidemment bien son nom - nous propose non seulement une indispensable réhabilitation d’un compositeur n’ayant pas survécu à l’horreur nazie mais aussi des jalons essentiels à la connaissance de sa polyvalence comme de son évolution stylistique. Suites de tableaux lyriques courts mais intenses, les deux symphonies vocales, Paysages (1918) et Humanité (1919, En mémoire de l’assassinat de Karl Liebknecht) parées d’envoutantes couleurs, ravissent le mélomane habitué à trouver ses légitimes délices dans le Chant de la Terre de Mahler ou la Symphonie Lyrique de Zemlinsky. Somptueusement servies par l’ex-RIAS sous la baguette de Gerd Albrecht, elles sont interprétées de façon absolument splendide par Doris Soffel, très à l’aise dans ce répertoire postromantique. La troisième œuvre, postérieure d’une décennie, explore pour sa part les incursions que le compositeur fit du côté du jazz, qui exerçait sur lui une véritable fascination, de même que les talents pianistiques dont il témoigna là comme ailleurs. Le pianiste Michael Rische se joint avec talent pour la restitution de cette musique de scène devenue suite concertante, d’un expressionisme drolatique, qui nous emmène plus du côté de Milhaud, Stravinsky ou Chostakovitch. Un exceptionnel retour à la vie pour un compositeur raffiné et polymorphe ! (Alain Monnier)