On ne le sait plus assez, mais le paysage musical parisien à la fin du dix-neuvième Siècle était d’une variété et d’une complexité assez inouïe. Si le théâtre lyrique avait fait la fortune du Paris des romantiques, le Paris de Baudelaire et de Verlaine, celui des saturniens et des parnassiens avait son équivalent en musique. Pléthore de compositeurs écrivaient des pièces libres pour les nombreux concerts des salons ou des sociétés de musique. A coté de la grande forme, un engouement pour les pièces de genre se fit jour, aussi bien dans le répertoire des pianistes que dans celui écrit à l’intention des instrumentistes à cordes frottées. L’alto avec ses timbres médians, ses registres mystérieux, sa voix de contralto, fascina quantité de plumes entre 1880 et la Grande Guerre. L’alto état devenu l’instrument poétique par excellence, comme le prouve l’éloquent "Thème varié" de Georges Hüe, connu alors essentiellement pour ses opéras (Titania est une merveille qui mériterait d’être enregistrée), mais chéri par Debussy qui reconnaissait dans sa plume aventureuse celle d’un frère en musique, ce que confirme cet opus, de bout en bout admirable. Les merveilles abondent dans cet album parfait où l’alto ample de Lawrence Power, dont l’aigu fait irrésistiblement penser à celui de Lionel Tertis, se parent des couleurs orchestrales du piano de Simon Crawford-Philips. Désarmant de poésie, débordant de paysages psychologiques, la Pièce op. 39 de Chausson trouve ici sa plus belle lecture, tout comme les deux Pièces de Vierne, si inspirées, si suggestives, ou encore le "Concertstück" d’Enescu qui transforme un morceau de concours en caprice fantasque. Mais la grande découverte du disque est aussi la pièce la plus tardive, d’ailleurs hors du cadre historique que s’était fixé l’album, ce fascinant "Vitrail" ouvragé par Lucien Durosoir en 1934. Voila un compositeur de première force, si vous désirez en savoir plus, sachez que chez Alpha vous trouverez quatre microsillons illustrant les splendeurs de sa musique de chambre. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Ce disque propose un étonnant florilège de pièces spécifiquement écrites pour piano et alto, ou adaptées à cette combinaison instrumentale atypique, par des compositeurs Français de la fin du XIXème siècle. Plusieurs de ces œuvres sont des commandes de professeurs d'alto du conservatoire de Paris qui les imposèrent au programme de leur classe ou comme morceaux de concours. Si tout n'est pas exceptionnel dans ce programme hétéroclite, on relève toutefois quelques pépites, notamment l'ambitieux Thème varié de Georges Hüe et dédié à l'altiste de talent qu'était aussi le chef Pierre Monteux, Soliloque et Forlane, savoureuse danse baroque exhumée par Reynaldo Hahn, les Pièces d'Ernest Chausson et de Louis Vierne qui se distinguent par le charme élégant de leurs mélodies, l'original Vitrail de Lucien Durosoir qui fait entendre d'habiles transparences et jeux de lumière entre les deux solistes et enfin le Concertstück d'Enesco dont l'intense lyrisme transcende le cadre purement virtuose et convenu de l'exercice de fin d'année. L'Appassionato d'Henri Büsser et le Morceau de concert de Léon Honnoré (qui tous deux démarrent étrangement sur de familiers motifs beethovéniens) présentent un peu moins d'intérêt, tout comme les transcriptions de la mélodie Beau soir de Debussy et du Kaddisch de Ravel où l'alto tient ici la partie vocale et qui restent d'aimables curiosités. (Alexis Brodsky)
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