Pur produit- comme Mendelssohn – de la grande bourgeoise juive éclairée qui fit tant pour le rayonnement des arts dans l’Allemagne romantique, Friedrich Gernsheim et sa musique sont frileusement redécouverts depuis que l’on s’est penché sur le cercle des familiers et des intimes de Brahms. Une chance et une malchance à la fois : on a tôt fait de le cataloguer comme un épigone de l’auteur du Requiem allemand. Pourtant sa veine mélodique si abondante, l’évidence de son geste musical rappellent qu’il fit souvent le voyage de Paris, y résidant d’ailleurs de 1855 à 1861. Il y assistera au scandale de Tannhäuser, y perfectionnera son jeu pianistique auprès de Marmontel, fréquentera assidument les cercles de Saint-Saëns, Liszt, Rossini, s’y liera d’amitié avec Lalo. Etranges fréquentations qu’aucun autre musicien allemand de sa génération ne risqua, mais quoi de plus naturel d’hésiter entre Paris et l’Allemagne pour un Rhénan ? Le grand œuvre de Gernsheim réside dans sa musique de chambre, sa veine mélodique peut s’y épancher dans des décors polyphoniques touffus. Sommet de son catalogue, les deux Quintettes avec piano dont l’éloquence et l’invention n’ont rien à envier au Quintette de Brahms. Ecrits à vingt ans de distance (1877, 1897), les deux opus semblent coulés dans la même grande ligne narrative, portés par un même souffle sombre. Leur secret : tout s’anime du piano. Olivier Triendl rend justice à cette écriture dense qui passe en un instant de l’ombre à la lumière, et emporte le Gémeaux Quartett, un des plus beaux quatuors suisse de l’heure, fondé en 2003 à Bâle, dans ces partitions paysages. Si vous ne connaissez rien de Gernsheim, commencez ici (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) On redécouvre peu à peu la musique de Friedrich Gernsheim, importante figure allemande du XIX° siècle, proche de Brahms mais dont l’œuvre, parce qu’il était juif, fut interdite par les nazis qui retirèrent sa musique des bibliothèques et conservatoires. Pourtant son œuvre, comme celle de son contemporain Max Bruch, ne manque ni de puissance ni d’originalité. Ses deux quintettes avec piano, s’ils s’inscrivent bien sûr dans le paysage dessiné par Schumann et Brahms sont des pages magnifiques, d’une riche inspiration, d’une énergie farouche et d’un romantisme généreux. Ils retrouvent peu à peu leur place grâce au disque, en attendant que les salles de concert les reprogramment à leur tour. Oliver Triendl, pianiste à la curiosité insatiable, leur redonne leurs couleurs vives presque violentes, dans un dialogue ardent avec le quatuor Gémeaux. Au sein du répertoire exceptionnellement riche en chefs d’œuvre du quintette avec piano, ces deux partitions méritent de figurer dignement à côté de celles déjà citées comme des partitions de Franck ou Taneiev. (Richard Wander) Following the release of two of Friedrich Gernsheim’s symphonies, we would now like to present to you two piano quintets by this composer whose life was very much of European stamp. He was born in Worms in 1839 and became the youngest student at the Leipzig Conservatory when he was thirteen. His further musical education took him to Paris, and in this European music center he enjoyed daily contact with the most famous musical personalities of his times, including Liszt, Saint-Saëns, and Rubinstein. Further stations included the post of city music director in Saarbrücken, six years as a professor and conductor in Cologne, and Rotterdam. He then spent the last fifteen years of his life in Berlin. His first Piano Quintet quite audibly moves along paths marked out by Brahms’s Piano Quintet in F minor, which had been composed only twelve years before. He composed his second Piano Quintet during the year of Brahms’s death. Gernsheim’s choice precisely of the key of B minor and 6/8 time for the first movement – just as in Brahms’s Clarinet Quintet – is certainly to be understood as a tribute to the late master. At the beginning of the scherzo Gernsheim also honored the Bohemian String Quartet, the quintet’s dedicatees; here, in Molto grazioso e sempre scherzando, the strings play a Bohemian theme of folk character over staccato runs. One can very well imagine how the brilliant pianist Gernsheim delightedly participated in humorous conversation with his Bohemian friends in this work!
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