De son archet fruité, en phrasés ailés, Gioconda de Vito évite à son Beethoven tout appui, elle y chante comme elle chanta toujours, éperdument et avec une sorte de candeur qui fascinait son public allemand. La beauté naturelle des lignes de chant allège le discours, son aigu de soprano délivre les longues phrases voulues par Beethoven de toute pesanteur. C’est une bénédiction dans une œuvre où tant peinent à trouver l’équilibre entre classicisme et romantisme. De Vito y est éperdument romantique, mais à la manière de Mendelssohn ou de Goethe : de toute façon son violon-lumière ne pouvait pas faire autrement. Cet ajout majeur au legs d’une violoniste que Wilhelm Furtwängler chérissait se complète par une version inédite de sa sonate favorite, l’opus 100 de Brahms, la « Thuner-Sonata », œuvre pastorale dont les mélodies désarmantes de tendresse l’inspirèrent toujours. Mais en ce 7octobre 1951 son violon lui est un rien revêche. Elle n’avait probablement pas eu le loisir de le chauffer, elle qui s’excusait de jouer jusqu’au dernier moment en coulisse en disant : « je me fais la voix ». Mais cela vient à mesure, et d’ailleurs aussi pour Michael Raucheisen dont le clavier jusque là aura été bien terne – tous deux entrent en même temps dans la pure poésie au passage de la modulation au mineur, et leur duo effusif ne cessera plus, jusque dans le grand récitatif qui ouvre le final, où elle invente à son violon cette incroyable voix d’alto : la soprano s’est faite baryton . La Chaconne de Vitali, comme toujours sous ses doits, brûle, véhémente supplique, rappelant que cette immense artiste est une vraie diva du bel canto dont le violon fut la « voce » (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) La violoniste italienne Gioconda de Vito (1907-1994) fut l'élève de Remi Principe à Pesaro avant d'entamer dès l'âge de 17 ans une carrière de professeur puis celle de concertiste (jusqu'à 1961 à 54 ans) qui la fit jouer avec Wilhelm Furtwängler ou Victor de Sabata, Edwin Fischer, Yehudi Menuhin, Nathan Milstein ou Isaac Stern. Elle fut en 1944, la créatrice du concerto de Pizzetti. Son répertoire restait classique et romantique, excluant les concertos marquants du début du siècle (Berg, Sibelius, Bartok). Elle jouait le plus souvent sur un Stradivarius (le Toscan). Son tempérament sensible et romantique baignait ses interprétations. Captée en 1954 et accompagnée d'un orchestre docile, Gioconda de Vito propose du concerto de Beethoven une lecture suave et sucrée, zestée d'un frémillant et imparable vibrato. Le lent mouvement inaugural Allegro nous entraîne pas bien loin, faute aux deux protagonistes trop passifs et guindés. Second alangui, nocturne, constellé de silences. Le caractère primesautier du troisième, pris constamment du bout de l'archet, est en revanche consolateur. Soirée berlinoise sévère et compassée. Cette tendance à pincer le son se retrouve dans la sonate de Brahms, mais le dialogue chambriste convient mieux à la violoniste, relancée là par le piano solide de Michael Raucheisen. Reste la chaconne de Vitali, morceaux de choix, qui la montre bien plus investie car seule en studio. (Jérôme Angouillant) Gioconda de Vito (1907-1994) was one of the few female violinists able to establish themselves as soloists on the concert platform during the first half of the twentieth century. Born in the South Italian region of Puglia, the artist studied in Pesaro and Rome, accepting her first professorship at the tender age of seventeen. De Vito built an international career which took her as far afield as Argentina and Australia. In Germany she was especially highly regarded during the 1930s and 40s. Bach, Beethoven and Brahms represented the main pillars of her repertoire which, however, largely eschewed more modern music. De Vito cultivated a sumptuously romantic tone and never sought superficial violinistic brilliance. In 1961, aged only fifty-four, she retired from the concert stage. De Vito never recorded the Beethoven Violin Concerto in the studio: this sole live recording from 1954 with the RIAS-Symphonie-Orchester under the baton of Georg Ludwig Jochum presented here is therefore of particular documentary value.
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