Quatre Sonates, dont chacune, selon Markus Becker illustre un caractère, la construction en angles pour la Sonate en Ut, la mélancolie pour celle en Mi mineur, l’esprit de la danse pour celle en Mi bémol majeur, la magnificence pour la Sonate en Si majeur, le giocoso pour celle en Fa majeur. Toutes sont prises dans des tempos qui en éclairent les nombreuses beautés d’écritures, rythmes inégaux, science des ornements, petits effets de surprises dans l’harmonie, avec cet art de ne pas résoudre ou de dévier soudain sur une modulation qui mène quelques instants à tout autre chose, thèmes qui se prêtent toujours à des variations jusque dans leurs réitérations. C’est comprendre la grammaire du compositeur comme peu de pianiste aujourd’hui le peuvent encore – Iddo Bar-shaï sait saisir cet esprit - Markus Becker retrouvant les humeurs et la beauté de toucher qu’y mettait Alfred Brendel parvenu au sommet de son art, et une pondération, une simplicité aussi qui font que même le plus inattendu coule de source. Disque inventif, pertinent, d’un pianiste qui à l’orée de sa carrière fit sa gloire en enregistrant tout le piano de Reger, y apportant une virtuosité, une profondeur de son, un espace qui en fit la prolongation naturelle de celui de Brahms. Vous savez quoi ?, justement cette somme revient au catalogue pour presque rien. Double occasion de découvrir un des plus beaux pianistes de sa génération, curieux de tout, et même du jazz qu’il fréquente régulièrement comme le fit Friedrich Gulda, mais bien trop rare au disque (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Bien que connaissant un regain d'intérêt au disque récemment (Hamelin, Bavouzet), les Sonates pour piano de Haydn restent moins jouées que celles de Mozart. Elles sont pourtant plus variées et non moins intéressantes pianistiquement. Pour Haydn comme Beethoven, la Sonate pour piano est le lieu des expérimentations musicales. Le choix d’œuvres proposé ici montre l'évolution du compositeur du baroque tardif (Sonate 21 avec ses rythmes pointés, ou le Siciliano de la 23) aux grandes formes classiques (Sonate 46). Le pianiste allemand Markus Becker, aussi à l'aise dans le jazz que dans les complexités postromantique (il a enregistré l'intégrale de l’œuvre de pour piano de Max Reger) s'offre un détour par le classicisme. Usant de la pédale avec parcimonie, renonçant aux forte trop appuyés, il tente de retrouver sur un piano moderne une sonorité proche des pianoforte. Il privilégie toujours le classicisme aux aspects les plus fantasques ; le Presto de la Sonate 28 est ainsi joué relativement modéré. Les articulations sont précises et Becker sait trouver l'espièglerie nécessaire (Sonate 21). Le disque s'achève sur un decrescendo plein d'esprit, comme si le pianiste s'éclipsait discrètement. (Thomas Herreng) Haydn’s piano sonatas have thrilled me since childhood. This music may seem easy to grasp at first glance: so much seems clear and straightforward. However, once you take a closer look and spend more time playing and listening to Haydn’s music, it develops an endless, multifaceted life of its own. It becomes more concrete and at the same time more mysterious. Unexpected turns of phrase, sudden occurrences, humorous juxtapositions and startling asymmetries are just as much a part of this music as its extended melodic arcs that make the piano sing. Haydn’s music forms an intimate bond between song and speech. In each movement of the ca. 60 piano sonatas he wrote, we meet a personality, an unmistakeable character, evoked in detail. Haydn was long viewed as the mere forerunner of Vienna Classicism – Mozart’s and Beethoven’s Papa, so to speak. His sonatas were mainly regarded as witty, useful pedagogical material. Several generations seem to have been unaware of his profoundly nuanced approach. Perhaps, however, Haydn’s keyboard oeuvre might require even better interpreters than the works written by his towering colleagues. One cannot clothe this music in an adequate form without applying a great deal of fantasy in one’s choice of timbres, along with a keen sense for musical rhetoric and careful regard for phrasing. Most of all, the Haydn performer should be able to modify the entire timbre effect and redistribute the balance among parts from one moment to the next. We must not forget that he was born way back in 1732: Haydn thus still had one foot in the Baroque age, as one can tell from the latent polyphony and frequent figures of musical rhetoric. His variegated types of articulation cover a wide spectrum: dozens of nuances fill out the range between Haydn’s profound, songlike legato and his humorously accentuated staccato. Here is not where we will find Beethoven’s force and dramatic vigour, neither Mozart’s ethereal beauty. Haydn wrote a music of profound humanity, with a basic outlook similar to what the German Romantics called “humour”: a reflection of human life with all its beauties, unfathomable depths, hopes, losses, crises and joys, all shouldered with a large dose of passion and irony.
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