On n’en fini pas de redécouvrir Paul Juon, compositeur trahit par l’histoire, éduqué en Russie, fêté dans le grand concert de la modernité de l’entre deux-guerres à Berlin, oublié en Suisse où il s’éteindra durant la terrible année 1940. Si son art se sera sublimé dans sa musique de chambre, son orchestre nous en dit plus sur l’évolution de son style, illustré avec à propos par le second volume de l’intégrale que lui consacre Sterling. La Symphonie de 1894 est toute entière sœur de celles de Glazounov, splendidement orchestrée, absolument traditionnelle, mais quel ouvrage, quel art ! Christof Escher la dirige avec un lyrisme éperdu, le grand œuvre symphonique russe y gagne un opus de qualité. Mais tout cela n’est qu’anecdote face aux bijoux distillées par la Suite op 93 datant des années berlinoises (1934), orchestration vive qui fait défiler cinq pièces de caractère où le charme le dispute à la charge, pour soudain céder la place à l’étrange : au centre du cahier un étreignant Nachtstück vous saisira, musique magique belle comme un adagietto de Mahler (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Elève de Woldemar Bargiel, le demi-frère de Clara Schumann et professeur de nombreux compositeurs comme Kaminsky, Jarnach, Skalkjottas ou Vladigerov, Paul Juon a souvent été surnommé le "Brahms russe". Mais sa symphonie de 1894, récemment redécouverte et dont c’est apparemment le premier enregistrement, le montre surtout proche de Borodin, de Taneiev ou du jeune Rachmaninov. Beaucoup plus tardive, sa suite en cinq mouvements (1934) regarde ouvertement vers la musique légère, et n’hésite pas à citer le fameux "tea for two" tiré de "no, no Nanette". Mais la rareté de ces partitions rend d’autant plus intéressante la redécouverte d’un musicien à la croisée de plusieurs cultures; Juon s’installa en effet à Berlin en 1898 et prit sa retraite en 1934 pour retourner en Suisse, pays d’origine de ses ancêtres, où il s’éteignit à Vevey. Le chef Christoph Escher s’est attelé à l’exhumation des partitions du compositeur; il est le guide idéal pour nous mener vers ce maître un peu oublié. (Richard Wander) Like many a composer of the generation born between 1870 and 1880, Paul Juon was situated in the transitional period between late-Romanticism and the Modern. The radicalism of an Arnold Schoenberg was foreign to him, however. Like Schreker and Zemlinsky he held fast to tonality, choosing to expand it rather than give it up completely. Right to the end, Juon remained rooted in the expressive world of the late 19th century, and yet in two very different fields he succeded in making a brave foray into the direction of the Modern.
|