Michael Korstick a bien raison de persévérer chez Dmitri Kabalevsky : son intégrale des Concertos pour piano du compositeur de Colas Breugnon avait justement fait sensation, remettant au devant de l’actualité discographique un corpus qu’Emil Gilels, Nikolai Petrov ou Youri Popv avaient championné. Son clavier ardent, son jeu athlétique, sa capacité à éclairer les structures polyphoniques et à faire resplendir la forme se retrouvent idéalement employés dans les trois Sonates que Kabalevsky composa entre 1927 et 1946. La Première est encore une œuvre de jeunesse mais le compositeur y affirme déjà son style, les deux autres opus dont Vladimir Horowitz assura la création américaine à New York, furent écrits à une année d’écart, au sortir de la seconde guerre mondiale, la Deuxième étant destinée et dédiée à Emil Gilels. Comment ne pas admirer la langue si concentrée de Kabalevsky, son piano ardent qui rend hommage à Prokofiev mais évolue dans un tout autre univers au point qu’il est impossible d’ailleurs de voir dans les opus 45 et 46 d’hypothétiques réponses aux sonates de guerre du compositeur de "Roméo et Juliette". Le triptyque avait été enregistré par Artur Pizarro en 1994, lecture brillante, mais Michael Korstick va bien au-delà de cette surface, saisissant l’intensité tragique qui parcourt ces œuvres datant des années du stalinisme triomphant. Derrière les structures parfaites, le discours stylisé, il saisit la rage qui emporte ces partitions au point que les deux ultimes Sonates forment un ensemble parfait, sorte de point de non retour dans l’œuvre de ce compositeur exemplaire qui fut l’un des rares à soutenir devant Staline Chostakovitch après que celui-ci ait été étrillé par le petit père des peuples outré en vrai tartuffe par les audaces de "Lady Macbeth" de Mrzenk. Comme Artur Pizarro, Michael Korstick ajoute le Récitatif et Rondo, mais aussi le Rondo op. 59. Ce serait bien d’avoir sous ses doigts les Préludes, maintenant qu’on tient enfin sa vision des Sonates ou il égale dans les Deuxième et Troisième Moiseiwitsch, Gilels et Horowitz, et où il surclasse Van Cliburn dans le Rondo (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Kabalevski appartient à la première génération de compositeurs dits « soviétiques ». Une nouvelle partie inédite de l'histoire musicale s'écrivait, avec tout ce que cela engendre comme rapports conflictuels ou non avec le nouveau pouvoir politique. L’œuvre globale de Kabalevski demeure assez en phase avec le côté officiel de la vision artistique du Parti. Néanmoins, les trois sonates vont chercher un langage loin d'être consensuel, avec toutefois une ligne directrice : une énorme virtuosité, sensible dans les mouvements extrêmes. La motorique de Prokofiev, le lyrisme de Rachmaninov dans les seconds mouvements, le modernisme de Scriabine servent de terreau constant. Si la première sonate de 1927 reste la plus époustouflante, les deux autres écrites juste après la guerre tendent vers plus de « calibrage ». Les deux Rondos complémentaires vont plus loin encore, tant leurs difficultés sont extrêmes. Le pianiste virtuose allemand M. Korstick s'investit physiquement dans cette interprétation qui complète le cycle des concertos. Il s’amuse du jusqu'au-boutisme de cette musique percussive, sifflante, assourdissante mais aussi lyrique qui couvre sans pudeur toute l'étendue du clavier et nous laisse par moments abasourdis. (Nicolas Mesnier-Nature) Dmitri Borisovich Kabalevsky came behind Prokofiev and Shostakovich and along with Khachaturian in the »Big Four« of Soviet music. Following the releases of Kabalevsky’s four symphonies, his complete works for piano and orchestra, the cello concertos, and his string quartets, the present recording focuses on his music for piano solo. It contains his complete piano sonatas and two great rondo compositions, and a future release will be devoted to his complete préludes. Here the Rondos op. 30, which are merely unassuming short transcriptions from his opera Colas Breugnon, have not been included. Kabalevsky’s sonatas and rondos are not only interesting musical testimonies to their times but also highly attractive virtuoso pieces displaying first-class compositional technique and offering the unbiased listener truly rewarding experiences, not least because they really and truly have been »tailor-made« for the piano. And once again – Michael Korstick is at his best!
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