Il y a comme cela des mystères que je ne me suis jamais expliqué. Dans l’abondante littérature pour quatuor à cordes issue des collines de la Bohème et de la Moravie, les trois opus que leur a dévolu Karol Kovarovic ne sont quasiment jamais joués. Ce compositeur secret, chéri par son maitre Zdenek Fibich, aurait-il eu le tort de passer à une très relative postérité par son opéra « Têtes de chiens », qui laissa dans l’ombre ses autres œuvres ? On lui reprocha d’avoir adouci la Jenufa de Janacek pour sa création pragoise, cela aura suffit pour accentuer la suspicion, mais quelques minutes de l’Allegro moderato de son Deuxième Quatuor, dédié à Antonin Dvorak, suffiront à vous convaincre. La lyrique si singulière de son écriture, ses licences poétiques, son écriture impeccable qui ose des fredaines, tout un esprit joueur et pourtant songeur fait de sa musique un petit paradis. Les trois quatuors pourraient être joués d’une coulée, si le Troisième n’était resté inachevé, Kovarovic espérant une commande du Quatuor Hellmesberger qui avait créé sur les conseils amicaux de Dvorak son Deuxième Quatuor à Vienne. Des doutes l’assaillirent, il abandonna sa partition où un fin soleil irradiait. Quel dommage, d’autant qu’il ne revint jamais au quatuor. Incroyable de songer que les Stamic enregistrent ces trois opus en première mondiale. Décidément, même en son pays, Kovarovic n’aura pas été prophète. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Le Quatuor Stamic a gravé, en première mondiale, l’intégrale des quatuors de ce compositeur qui fut élève de Fibich et débuta une carrière de harpiste. La composition s’imposa rapidement ainsi que la direction d’orchestre. Kovarovic fit beaucoup pour la promotion de la musique tchèque, bien qu’il ait sous-estimé l’œuvre de l’un de ses compatriotes, Janacek, ce qui lui fut reproché. Compositeur essentiellement pour l’orchestre et l’opéra, Kovarovic nous légua aussi trois quatuors. Leur écriture romantique est assez proche de celle de Dvorak. D’un superbe lyrisme, le premier opus en ré majeur (1879) stupéfie venant d’un jeune musicien âgé de 17 ans. Il possède le sens des équilibres et du développement de thèmes imposants. Le Second Quatuor en la mineur (1887) est plus narratif encore. Dédiée à Dvorak, la partition frappe par l’influence de ce dernier. La transparence du style, la qualité des mélodies, les emprunts au folklore tchèque séduisent d’emblée. Certes, il manque parfois la tension, l’originalité supplémentaire qui distingue les deux compositeurs, Dvorak et Kovarovic, mais on découvre avec plaisir, notamment dans le mouvement lent, une série de variations qui font songer à Schubert. Le dernier quatuor, en sol majeur (1894), est inachevé. Pièce charmante, assurément, à l’esprit “salonnard”, elle brille par sa finesse, notamment dans le scherzo. Sans appuyer sur les mélodies et les tensions rythmiques, le Quatuor Stamic interprète ces œuvres avec autant d’élégance que de saveur. Il ne cherche pas à leur faire dire des messages qu’elles ne portent nullement en elles. Une belle découverte. (Jean Dandrésy) The Stamic Quartet’s repertoire ranges from Baroque to 21st–century music (the highly acclaimed album of Sofia Gubaidulina’s complete quartets, Supraphon 2012), yet the ensemble mainly focus on works dating from the end of the 19th and the beginning of the 20th centuries. Following the revelatory premiere recording of Josef Bohuslav Foerster’s quartets (Supraphon, 2010), they have now come up with another striking project. Karel Kovarovic (1862–1920) is primarily known for his work as the director of the opera company of the National Theatre in Prague, as well as a conductor, while his own music has been generally overlooked. Nevertheless, Kovarovic wrote several operas, ballet and incidental music, songs, choral and chamber pieces. The Stamic Quartet has made the very first recording of his string quartets, which are yet to be published. The most remarkable of them is String Quartet No. 2 in A minor, dedicated to Antonín Dvorák, which six years after its premiere in Prague (1888) was performed at the Musikverein in Vienna. Kovarovic did not finish his String Quartet No. 3, most likely owing to his being extremely busy as a conductor and his new responsibilities at the National Theatre. The new album made by the Stamic Quartet serves to prove that Kovarovic’s quartets deserve to be paid much greater attention to than has been the case over the past century.
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