Garrick Ohlsson aura pris son temps pour venir au disque confronter son grand piano aux espagnols, mais on doit se souvenir qu’au concert il avait commencé assez tôt. Ses récentes Goyescas, peintes à grands traits, dans la profusion de son clavier orchestre, m’avaient étonné en bien, mais l’attendais-je dans Falla qui veut idéalement un clavier plus sec, des angles plus vifs et n’a, croit-on, que faire d’un tel instrument ? Dès les Quatre Pièces espagnoles, je dois abandonner ma défiance : ce clavier plein sait les faire danser et leur donne un sacré caractère, même si les sorcelleries de timbres d’une Alicia de Larrocha n’y sont pas. Heureusement, Ohlsson nous épargne les pièces de jeunesse qui ne sont qu’anecdotes, il préfère les transcriptions des ballets que Falla brossa pour lui-même et pour Vines. Son Tricorne est très visuel, d’un piano vraiment orchestre et pas une trace des stylisations XVIIIe siècle qu’y dorait Larrocha n’y parait, mais assurément la danse, le grand geste de Massine. C’est Ballets russes ! Le premier coup de génie du disque résonne dès la proclamation de la Pantomime qui ouvre El amor brujo : tout y est, la caverne, la nostalgie, les enchantements et les fureurs de Candelas, le conte et le ballet, les sanglots des cantaores, une danse du feu qui ne pourrait être un bis, tout cela incarné dans un piano orchestra assez fabuleux, qui peut se tenir à coté de celui d’Alicia de Larrocha, c’est dire ! Autre coup de génie, une Fantasia Baetica visionnaire, roide, droite et puissante, qui a un petit coté Sacre du printemps, rituel primitif sont Ohlsson transmue le piano clavier là encore en un orchestre aux strates multiples qui exploite les complexités harmoniques de la partition et désigne à quel degré Falla y a atteint un point de non retour. Plus andalou serait impossible, semble proclamer Ohlsson. Le plus étonnant est bien qu’il le fasse dans un clavier jamais guitare, où aucune facilité, aucune Espagne de pacotille ne parait jamais. Mais, quelle Andalousie ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Another of those stimulating, engaging programmes in which Garrick Ohlsson specializes: this all-Falla recital combines works originally written for the piano with the composer’s own transcriptions from his classic ballet and opera scores.
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