Insaisissable Federico Mompou. En regroupant quatre opus majeurs de son œuvre de piano, Alessandro Deljavan va au cœur de son univers raréfié, d’un toucher pudique, creusant les nuances piano. C’est merveille pour des Cançons I danses où le rêve l’emporte sur la danse, derrière leur simplicité désarmante, la variété de l’écriture n’en aura jamais été aussi soulignée, sinon par le compositeur lui-même qui les aura écrites entre 1918 et 1962. Non pas la somme de son œuvre, mais bien sa variété même au sein d’un langage unique, qui s’affirme dans chaque page. Le ton de confession pudique est tout aussi présent au long des mystères sonores qu’égrènent dans leurs faux chants populaires la "Musica callada" – littéralement "musique en silence" - quatre cahiers écrits entre 1958 et 1967 où Mompou raréfie encore sa poétique. Alessandro Deljavan les joue avec une sorte de distance hypnotique, affirmant leur modernité, son geste simple, ses couleurs blanches-Satie me rappellent la version si singulière qu’en avait gravé Herbert Henck pour ECM en 1994. La Cinquième du Premier cahier, celle qui ne comporte aucune indication de mouvement, est déchirante, lancinante sous les doigts de Deljavan, preuve qu’il a tout compris de ces musiques qui tuent dans leur vertige du vide harmonique. Mais à ces deux célèbres recueils je préfère encore le polyptique des "Cants magics", écrit par Mompou à la fin de la grande guerre, musique de quintes vides, litanies grises où soudain quelques flamboiements de l’ancien piano espagnol, celui d’Albéniz et des toccateurs, jaillissent comme de l’inconscient. Admirable musique où Deljavan souligne à quel point la langue du compositeur s’y forme, expérience passionnante. La même attention sculpte les trois "Paisajes". Mompou y paye son tribut à Debussy dans "El lage" qui semble célébrer les mêmes mystères que Voiles. Ensemble parfait, mieux, touchant, qui fera une introduction idéale à l’œuvre du Catalan (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) The piano music of Federico Mompou (1893-1987) holds a unique place in 20-th century piano literature. The apparent simplicity of Mompou’s music with its affinity to naïve “folk” elements - popular songs and dances, children’s games, spells and incantations - is deceptive: like Satie - the composer with whom he is most often compared - there is always a sense of a greater complexity hidden just below the surface. However Mompou himself was uninterested in analyzing his music, claiming, “ I don’t know where it comes from - that’s one of the secrets of art” and in describing his style as primitivista, he signalled a desire to return to first principles - a “recommencement” as he described it. Although he spent many years in Paris and was close to the galaxy of composers living in that city in the 1920s– becoming more or less and an honorary member of les Six - he remained virtually immune to outside influences.
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