C’est entendu, Frank Peter Zimmermann aura prouvé à la Planète qu’il était bel et bien l’archet le plus « moderne » depuis Gidon Kremer : tout le répertoire du XXe siècle a été revisité par son violon aventureux, sa sonorité précise et pugnace, une façon de dire que son instrument aura forgé la nouvelle musique et qu’il en entend tout, en dit tout. Mais Mozart l’accompagna des ses premiers disques : une intégrale des Sonates avec Alexander Lonquich l’y montrait jeune, fringant, libre et même licencieux avant que le grand œuvre du XXe Siècle ne le requiert. Pour ses quarante ans, il revenait aux concertos déjà gravés jadis avec le strict Jörg Faerber et son orchestre d’Heilbronn : des partenaires qui n’avaient pas le même calibre artistique et technique, et des volontés dogmatiques en plus ! On était dans les aventureuses années 80. Cette fois encore ce ne seront plus des concertos mais des opéras, comme déjà le premier volume l’annonçait, et le violon transmué en une galerie de personnages : le final à la turque du 5e Concerto où Zimmermann se prend pour Osmin le montre assez, mais pas seulement. Il ya dans cet archet une intelligence, une culture, une imagination qui en un accent, en une mélodie, en un ornement rapellent que le violon fut toujours l’instrument de l’exotisme. C’est admirable de bout en bout par l’alliage improbable de brio et de tendresse, par la liberté expressive des phrasés –écoutez seulement le cantabile de l’Adagio du même Cinquième. Alors après cela le jardin, le ciel de fin de journée, les colombes volant des peupliers peuvent bien venir : la Symphonie Concertante où l’alto de Tamestist, alerte et mâle est Chérubin et le violon de Zimmermann la Comtesse, chantent leur duo longtemps attendu, enfin avéré. C’est Mozart que dans ses tempos prestes et tendres Rodoslaw Szulc et ses musiciens emportent avec tendresse, mieux, la lumière de Mozart ! Les archets n’ont plus qu’à réver…. (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Si la Symphonie Concertante K. 364 parachève les œuvres de Mozart destinées au violon (« The culmination of what Mozart had aimed at in his violin concertos » Alfred Einstein), ses cinq concertos témoignent d’une relation forte au papa violoniste (Dibelius), auteur d’une méthode pour l‘instrument. Le fameux style galant prédomine mais le jeune Mozart sait insuffler dans ces mélodies gracieuses, un fourmillement de détails, révélateurs à la fois d’une science instinctive de la forme et d’une fantaisie débridée jamais assouvie. Le K 211 se distingue par sa joliesse aristocratique (un beau Gainsborough), son esprit « français » et sa forme assez usitée. Le K 219 brille par son ardeur juvénile, sa gouaille (la turquerie du Rondeau) et sa subtilité d’écriture (symphonique avec l’usage des vents). Avec la symphonie concertante, Mozart pimente le dialogue soliste-orchestre avec l’ajout d’un alto, ciselant à volonté les timbres des deux cordes tout en peaufinant les strates de l’accompagnement orchestral. Composée en 1779, l’œuvre annonce par sa trame méditative et poétique, la profondeur et la densité des œuvres qui vont suivre (Les futurs opéras Idoménée (1780), L’enlèvement au Sérail (1781) et plus tard Les Noces de Figaro), signes selon Hildesheimer d’une émancipation radicale de sa musique. Le violon de Frank Peter Zimmermann sonne toujours aussi bien (cf. les concertos 1, 3 et 4 du premier volume). Elégance, délicatesse du jeu, sensualité de la touche quasi picturale (entre impressionnisme et nabis), promptes à révéler des coloris insoupçonnés mais surtout les émotions contradictoires et les humeurs mozartiennes. Avait-on prévu jusque-là d’entendre dans ces juvéniles concertos une si prégnante mélancolie, une si insondable tristesse ? Zimmerman desquame l’écriture brillante et extravertie pour en révéler les nervures et le sang. Invité surprise, Antoine Tamestit notre alto national parvient à se hisser au niveau de son fabuleux partenaire jusqu’à atteindre les mêmes sommets d’incandescence instrumentale. Porté par Radoslaw Szulc, l’orchestre de chambre de Munich leur sert merveilleusement d’écrin. Une magnifique anthologie qui peut désormais servir de référence. (Jérôme Angouillant)
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