Je désespérais de retrouver le piano lyrique d’Herbert Schuch : après avoir quitté Oehms pour Naïve, qui ne lui aura consacré qu’un disque, il n’avait plus d’éditeur. Mais le revoilà, en duo – quatre mains ou deux pianos – avec Gülru Ensari, en fait leur deuxième opus pour Avi, leur premier disque consacré au « Sacre du Printemps » m’avait échappé, j’y reviendrais. La Sonate de Mozart est un prélude divinement joué à tout autre chose : un sujet Debussy. Mais il y a une telle grâce dans leur Mozart, une telle fluidité, une telle pureté de dessin qu’au fond le mystère lumineux qui en émane –écoutez l’Andante dont les guirlandes ont quelques choses de schubertien - est une parfaite introduction au reste du disque. « En blanc et noir » aura connu des lectures plus contrastées : le bal avec cornet du premier volet devient une impressionnante étude de couleurs en mouvement, magique à force de complexité. Ses irisations immatérielles conduisent logiquement au désert sinistre de ce Lent-Sombre où Debussy aura résumé tout ce que son piano serait devenu s’il avait survécu à son cancer. Fuligineux, abstrait, le Scherzando suspend ses musiques éparses, vrai tableau abstrait. Le coup de génie du disque est d’avoir placé en postlude son véritable objet, les géniaux « Monologue für zwei Klaviere » où Bernd Alois Zimmermann a résumé des fameux « Dialogues pour deux pianos et orchestre » de 1964. Bach y parait dans le premier Monologue, mais c’est une obsession Debussy qui conduit les quatre autres stations de ce cycle parfait, joué avec une précision diabolique par les deux amis, porte ouverte sur un onirisme sonore dont je ne parviens pas à me déprendre. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Dans ce disque, intitulé Dialogues le duo Ensari / Schuch brasse large en termes de répertoire : Mozart - Debussy - Zimmerman. Un programme exigeant. Changer ainsi de registres et d’époque témoigne d’un esprit ouvert au(x) dialogue(s) mais qui peut nuire à une certaine cohérence même si l’ensemble montre de façon éblouissante le plaisir du couple à jouer ensemble, entre quatre yeux (comme sur la pochette), face à face ou côte à côte. La Sonate K 521 pour quatre mains défile droit dans ses bottes et avec promptitude (quelle vitesse d’exécution !). « En Blanc et Noir » de Debussy (à deux pianos 1915) fascine et captive par la prise de risque. « Avec emportement » est mené à un train d’enfer. « Lent et sombre » recèle ici une véritable progression dramatique et le Scherzando quant à lui distille une ambiguïté rythmique et harmonique fort à propos. Les cinq épisodes du Monologue pour deux pianos de Bernd Aloïs Zimmermann « en hommage à Claude Debussy » (1960-64) désarticulent le langage musical de Debussy comme s’il éclatait le marbre à coups de burin. Geste aussi subversif qu’édifiant, typique du compositeur. Notes en pépites et clusters nourrissent sa palette colorée, émaillée de quelques citations (Bach). C’est proprement renversant. Au final on avouera trouver le Mozart demi- sec, le Debussy brut, franc et puissamment tanisé quant au Zimmerman on le dégustera frais et pétillant. (Jérôme Angouillant)
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