Auryn. C’est l’amulette magique du roman de Michael Endre "L’Histoire sans vie", inspiratrice qui invite le héros à suivre les chemins complexes de son être. Joli nom pour un quatuor. Les Auryn sont ensemble depuis 1981, alors quatre jeunes musiciens qui se rencontrent au Conservatoire de Cologne, adoubés par les Amadeus puis les Guarneri, dont la sonorité profonde et lumineuse se reconnait immédiatement. La formation est restée inchangée depuis ses débuts, pas les instruments : aujourd’hui Matthias Lingenfelder tient un Stradivarius que jadis Joachim joua, Jens Oppermann le Petrus Guarneri que s’échangeaient les deux violonistes des Amadeus, Stewart Eaton un splendide alto d’Amati hérité de l’altiste du Quatuor Koeckert et Andreas Arndt a la lourde responsabilité de poser son archet sur la grande caisse signée par Niccolo Amati jadis jouée dans le Quatuor Amar. Ce violoncelle est une merveille qui, avec ses registres subtils, équilibre la palette sonore de ce qui est devenu l’un des plus beaux Quatuor de la planète. Sortant d’un long voyage chez Haydn – ils ont bouclé leur intégrale en 2010 – les voici enfin chez Mozart, mais pas en quatuor, enfin pas seulement. Comme jadis avec les Orlando, Nobuko Imai s’invite, altiste-cantatrice, et transforme les Quintettes en petits opéras. Des merveilles d’esprit, de phrasés nostalgiques et brillant de son, si admirablement respirés et toujours d’une simplicité de trait bouleversants : quels Quintettes mon Dieu! Il me semble que ce sont les plus beaux, les plus fascinants aussi, que le disque ait à ce jour produit. Impossible de détailler ce qui fait la grâce de ce jeu rêveur et profond, ni d’expliquer le ton d’évidence qui s’impose ici dans ce grand concert à cinq voix où tout rayonne, mais je vous assure que la beauté de la prise de son des ingénieurs de Tacet y participe au premier chef. Et maintenant, les Quatuors! (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Familiers de cette musique ou mozartiens débutants, précipitez-vous ! A qui revient le mérite de ce bijou ? Aux Auryn, tirant de leurs instruments chargés d'histoire des couleurs d'une beauté saisissantes, variant au gré des réexpositions ? A Nobuko Imai, qui se fond dans leur projet ? A Andreas Spreer qui réalise une captation aussi virtuose que celle de la Gran Partita des Stuttgart Winds ? Le résultat est formidable : l'air circule entre les instruments, aucune attaque ne ressemble à une autre, l'espace est rendu perceptible (les espaces, en fait : celui de l'estrade mais aussi celui du dialogue des voix et de l'architecture, qui sont deux concepts maçonniques essentiels dans les derniers quintettes)... Et sans hystérie, sans stridences, on entend distinctement que ces œuvres ne sont pas de tout repos : si l'on excepte la première (KV 174, d'un compositeur de 17 ans) et la dernière (KV 614, de 1791, au fallacieux parfum de terroir) c'est au cours d'années de crise intérieure et parfois financière (1787, 1790) que Mozart ouvre magistralement la voie au genre. Pour en rendre compte, les musiciens ont choisi de mettre en exergue l’ambiguïté, la pudeur et la profondeur de la souffrance (avec ses silences, dissonances et départs en apparence erratiques, l'adagio du KV 593 est terrible... mais il arrive ailleurs qu'on ait soudain le cœur transpercé par une infime intonation, un frottement de notes à découvert). Un seul bémol : parce que ces œuvres décrivent un itinéraire intime il est important de les écouter dans leur progression chronologique... pourquoi donc l'éditeur les a-t-il mélangées, nous obligeant à jongler avec les CD pour rétablir l'ordre ? Et quel contresens pour les KV 593 et 614 surtout, pourtant gravés sur le même disque ! Mais qu'importe, au fond... ce coffret est comme un très bon vin : les connaisseurs compareront au souvenir des très grands crus du passé, mais fermez seulement les yeux et savourez ! (Olivier Eterradossi)
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