Le piano chez Pfitzner aura connu ses pages les plus glorieuses dans l’accompagnement de ses innombrables lieder où il atteint au même degré d’inventivité et de singularité que celui déployé par Hugo Wolf dans ses propres mélodies. Inutile de chercher un tel degré d’inspiration dans son unique Concerto pour piano, dont les différents mouvements juxtaposent des univers disparates. Au centre pourtant le grand nocturne de "l’Ausserst ruhig", avec son cor comme échappé de "Tristan", trouve en Markus Becker un vrai poète. Il me semble aller ici plus loin que Volker Banfield, la direction crépusculaire de Constantin Trinks l’y aidant. Mais enfin, pour une œuvre qui entend se couler dans le grand mouvement du concerto symphonique initié par Brahms, l’opus de Pfitzner est loin d’égaler le vaste concerto tragique écrit de son encre la plus noire par Max Reger, dont Markus Becker vient de se faire l’avocat. Et si la vraie surprise de cet album n’était pas plutôt le poème pour piano et orchestre Tag-und Nachtstücke que Walter Braunfels composa en 1933, année où il se mit en marge de la vie musicale officielle, optant pour cet exil intérieur où il raffina encore la langue merveilleuse qui avait fait triompher ses « Oiseaux ». L’ouvrage est envoutant, ses cinq sections dessinent un mystère de sons qui va de l’élégie pastorale, à la charge : la Geschwindmarsch n’est pas sans évoquer les épisodes les plus échevelés du grand Concerto de Busoni. Markus Becker y excelle dans les parures d’orchestre si précises et si évocatrices réglées au millimètre par Constantin Trinks, il aura « volé » à Michael Korstick le privilège de graver en première mondiale une œuvre dont celui-ci avait assuré la création mondiale le 13 juillet 2017 : on venait tout juste d’en retrouver la partition dans les archives du compositeur. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) 79e volume de l’édition des concertos romantiques pour piano de Hyperion ! A vrai dire, les deux œuvres nous éloignent de l’époque romantique car elles datent respectivement de 1923 et 1934. Mais le grand concerto de Pfitzner en quatre mouvements comme le 2e de Brahms est écrit dans un langage qui regarde encore vers le XIXe siècle entre héroïsme puissant, rumination méditative, brio virtuose obligé et rêverie nocturne. On ne peut que regretter la quasi-disparition d’une page aussi foisonnante du répertoire des concerts. Belle occasion de la redécouvrir sous les doigts infaillibles de Markus Becker déjà remarqué pour son intégrale de l’œuvre pour piano de Reger ou ses concertos de Franz Schmidt et la baguette du jeune et brillant Constantin Trinks, deux interprètes qui n’hésitent pas à sortir des sentiers battus. Quant à la pièce de Braunfels pour « orchestre avec piano obligé », elle demeura ignorée jusqu’en 2017, date de sa création posthume. C’est une partition pleine de contrastes et de variétés où passent des échos de Rachmaninov mais aussi de la musique française de l’entre-deux-guerres. Découverte intéressante mais le disque au minutage généreux est surtout à classer à Pfitzner. L’occasion est en effet trop belle de réévaluer objectivement la musique de ce très grand compositeur estimé en son temps par tous ses pairs et les plus grands interprètes. (Richard Wander) The Braunfel - a concerto in all but name - and Pfitzner make an apt pairing, two works dating from the twilight of German Romanticism. Both are heroically dispatched by Markus Becker, with Constantin Trinks and his Berlin Radio Symphony forces providing idiomatic support.
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