Compositeur franco flamand contemporain de Josquin des Prés, P. de la Rue entra, après ses séjours à Sienne et à Bois-le Duc, au service de la cour bourguignonne des Habsbourg. Son œuvre est pour l'essentiel d'ordre liturgique. Parmi les messes du XVIe qui nous sont parvenues, au moins trente lui sont attribuées. Ce CD nous en propose deux, auxquelles s'ajoutent des pièces plus courtes (un Salve Regina et un Magnificat). Programme ingénieux qui permet de saisir différentes facettes de l’œuvre. Car si ces deux messes illustrent avec splendeur l'art polyphonique de l'époque, elles se différencient par leur caractère : la Missa inviolata est plus dépouillée, plus recueillie, plus constante du point de vue rythmique mais aussi plus lumineuse et sereine que la Missa Nuncqua fue pena major, plus sombre et contrastée, mais aussi plus imposante, avec un ambitus plus vaste, surtout dans l'aigu. La première autonomise davantage les registres, deux par deux, ou en trio, la seconde fait plus souvent appel à l'ensemble des quatre voix. L'interprétation, habitée, inspirée, bien en place, déçoit cependant un peu dans la Messe Nuncqua : alors que partout ailleurs, les sopranos se révèlent ductiles, ronds, pleins, voire éthérés, on perçoit dans cette messe une certaine acidité, une espèce d'agressivité des aigus, les voix devenant par moments presque perçantes. Par ailleurs, un magnificat admirable, où toute la palette des ressources de l'art du compositeur est magnifiée. (Bertrand Abraham)
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