L’un des plus grands jeunes prodiges de l’école russe de piano, Igor Tchetuev, dans le sommet des œuvres pour clavier de Schnittke, les trois sonates réunies sur un seul SACD Multicanal, un disque que toute la presse française et internationale s’est littéralement arraché ! Etrange musique que celle du Schnittke pianiste. Parcimonieuse elle est contenue en ce seul disque. Les trois sonates sont de la dernière période (1988 à 1993) quant à l’improvisation et fugue, elle date de 1965. On y trouve une racine sérielle schönbergienne, notes en cascades, élaboration par cellules, brièveté des mouvements. Les Fugatos frénétiques à la limite de l’improvisation et les harmonies subitement consonantes évoquent le Chostakovitch des préludes et fugues. La raideur hypnotique et décalée surgit plutôt de l’univers lunatique d’un Scriabine. Portée par des sentiments extrêmes, elle mêle tendresse et noirceur dans un discours dense et implacable. Les mouvements lents sont proches de l’asphyxie, les rapides sont des éclairs de foudre. Igor Tchetuev joue ces pièces difficiles et peu fréquentées avec une maitrise constante comme s’il dialoguait de façon spontanée avec le compositeur. Aidé par un Fazioli superbement restitué par la prise de son, l’auditeur aborde ces pièces avec une faim nouvelle. Comme disait le pianiste russe Vladimir Felstman à qui la première sonate est dédiée : « La musique de Schnittke nous guide et nous révèle à nous mêmes ». Un disque unique, exigeant qui mérite des écoutes attentives et répétées. (Jérôme Angouillant) Il y a quelque chose d’incroyable vis-à-vis de la force pénétrante et hypnotique qui caractérise la musique de Schnittke. Aujourd’hui, nombre de russes se rappellent encore des premières représentations de ses œuvres, la folie collective qui les poussait à prendre d’assaut la petite salle de la Maison des Compositeurs ou de forcer les cordons des policiers rassemblés devant l’entrée du Conservatoire, afin de pouvoir être présents au concert. Chacun ressentait l’ambiance d’un événement musical exceptionnel, chacun savait que lors d’un tel concert, l’on pouvait acquérir l’une des impressions les plus mémorables de sa vie ! Aujourd’hui, après avoir perdu leur aura, ces mêmes œuvres sonnent tout simplement comme de la «pure musique», elles sont devenues plus sereines. Et c’est sans doute seulement maintenant que nous commençons à prendre leur vraie mesure, que leur temps est venu afin que nous puissions avoir un autre regard sur elles. Le style de Schnittke est reconnaissable de suite et laisse ressortir immédiatement deux fortes impressions : en écoutant sa musique l’on est conscient d’un haut degré d’intensité et d’un secret caché dans le subliminal. Ses 3 sonates pour piano sont des œuvres tardives. Elles ont été créées à deux ans d’intervalle : la Sonate n° 1 (1988) a été dédiée au pianiste Vladimir Feltsman, la Sonate n° 2 (1990) a été dédiée à sa femme, la pianiste Irina Schnittke, et la Sonate n° 3 (1992) a été l’une de ses dernières œuvres. Ces sonates se rassemblent l’une avec l’autre, elles sont en quelque sorte 3 réflexions sur un seul thème. En les écoutant, l’on pourrait dire qu’il s’agit d’une seule et unique œuvre, une seule Sonate, complétée trois fois, à chaque fois avec plus de force et d’expression. Ce n’est pas étonnant que ces sonates sont jouées si rarement : ces «Eaux de Léthé» sont difficilement pénétrables. Le monde de Schnittke met celui qui veut y entrer à l’épreuve et ne s’ouvre pas à tous. Mais une fois que l’on a compris cette musique, il est impossible de retourner à un point d’équilibre précédent. L’on devient conscient que les questions soulevées par le compositeur, continuent à vivre en soi et à demander des réponses comme si elles étaient directement liées à soi-même. Ainsi que Vladimir Feltsman a dit : «La musique de Schnittke nous conduit vers nous même».
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