Franziska Pietsch avait signé une version stupéfiante des Sonates, la voici abordant les Concertos du même achet tranchant et plein, moins vert, moins âpre. L’orchestre embellirait-il sa sonorité naturellement mordante ? Pour les moments éthérés du Premier Concerto que Prokofiev écrivit avec dans l’oreille la chanterelle magique de Pavel Kochanski, la fusion de son aigu pénétrant et rêveur avec l’orchestre en apesanteur que lui déploie Cristian Macelaru fait merveille, comme dans les pages plus agitato où les traits doivent fuser chez la soliste comme dans la formation symphonique que Prokofiev écrit piquante. Secret pour réussir, le tempo, qui doit être assez ailé mais ne pas courir la poste : il faut pouvoir respirer les mélodies et pourtant déployer les batteries d’effets qui sollicitent tant la technique de la soliste. Franziska Pietsch domine la virtuosité tour à tour dardée ou fuligineuse que Prokofiev exige tout au long de cette œuvre redoutable : écoutez seulement comment le scherzo fuse. Et elle trouve également la profondeur de son, les appuis un peu rustiques, la verve plus populaire du Second Concerto, moins soliste, plus fondue dans ce discours de symphonie concertante qu’assume Cristian Macelaru. Jouons un peu : les russes, Milstein, Oitsrakh, Mordkovich ont magnifiés les deux opus, mais il me semble bien que le caractère si trempé de Pietsch parvient à évoquer les jeux pourtant antithétiques de deux violonistes qui auront marqué chacun de ces opus : Josef Szigeti pour le Premier (avec l’orchestre affuté de Beecham), et Henrik Szeryng qui répondait à la direction imperturbable de Gennadi Rojdestvenski dans le Second. Passionnant, tout autant et de façon très différente, que la gravure récente de Vadim Gluzman (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Sergei Prokofiev’s two Violin Concertos mark the beginning and the end of his exile: his early, challenging neoclassicism and the artistic route from his “nomadic life” in exile back to his home country. Ever since her career as a promising star of the GDR, Franziska Pietsch has felt at home in the music of this Russian composer, making her an ideal interpreter of Prokofiev’s virtuosic and multifaceted idiom.
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