Pourquoi la Deuxième Sonate pour piano de Prokofiev est-elle si peu jouée ? Voila un mystère que je ne me suis jamais expliqué. Prokofiev, alors enfant terrible semant un vent de panique au Conservatoire, y révélait d’un bloc son style persiffleur. Nous sommes en 1912, cette Deuxième Sonate maniant avec brio ironie, fantaisie et motorisme est contemporaine du cinglant Premier Concerto pour piano qui défraya la chronique et imposa le nom du jeune-homme. L’œuvre est magnifique autant par son humour que par ses hardiesses, elle demande au pianiste un jeu résolument nouveau où les ostinatos, les conductions rythmiques complexes tout un art de faire résonner différemment le clavier, continuent de poser bien des interrogations à ses interprètes. Pas pour Elisso Bolkvadze que je suis si heureux de retrouver dans ce disque où elle fait le grand écart entre Prokofiev et Schubert. Son jeu ample, profond et pourtant alerte, ses timbres si nourris qu’elle hérita de Tatiana Nikolayeva, mais sa touche si fusante tombent parfaitement dans l’écriture iconoclaste qui fait tout le sel de cette grande sonate – près de vingt minutes – constituée par quatre pièces de caractère dont il faut pouvoir capturer les humeurs. Elle y parvient si bien que je ne vois pas trop qui pourrait l’y égaler aujourd’hui. Et Schubert ? Qu’on ne l’attende pas jouant les Impromptus D 899 sous un abat-jour. Ce piano qui gronde des orages dans l’Allegro molto moderato, cette main gauche si libre qui fait entendre des contrechants inaperçus, la beauté entière de timbres si profond me rappellent quelle pianiste de premier rang elle demeure, héritière de la tradition géorgienne qui nous valut tant de grands musiciens. Parfaitement capté par les ingénieurs d’Audite, le grand Steinway de la Funkhaus de Berlin fait merveille sous un jeu aussi affirmé, et puisqu’enfin Elisso Bolkovadze a trouvé un éditeur à sa mesure, elle nous doit d’autres disques enregistrés dans des conditions semblables. Une idée : si Audite rééditait en un grand coffret tout le répertoire concertant qu’elle avait jadis enregistré avec l’Orchestre de Tbilissi et Jasung Kakhidze ? (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Prokofiev, the temperamental St Pertersburg firebrand, and Schubert, the quiet revolutionary fromVienna - an intelligent and exciting combination. The pianist Elisso Bolkvadze, an UNESCO Artist for Peace and a superstar in her native Georgia, presents Prkofiev's Second Piano Sonata and Schubert's Impromptus D 899 in glowing and lyrical interpretations.
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