Je me souviens encore d’une matinée Beethoven donnée par le Quatuor LaSalle pour Les Amis de la musique de chambre à Gaveau ! Ce son orchestral, cette plénitude du jeu, ce sens de la forme m’avaient cloué. Je me procurais tous leurs disques, où je retrouvais cette sonorité minérale, ce jeu altier qui vraiment venait d’un autre monde. Et voici que me parvient un CD reproduisant trois des nombreux enregistrements que la formation de Cincinnati réalisa pour la Radio du Sudwestfunk. Période années 60 et 70, alors que les LaSalle étaient au sommet de leur art et dans leur plus belles formations (avec successivement les violoncellistes Jack Kirstein et Lee Fiser), et un ajout à leur répertoire discographique, l’Opus 71 n°2 de Haydn, joué comme une grande architecture, envisagé en quelque sorte depuis Beethoven. Cela enragera certain, mais je reste confondu par la profondeur de leur vision et de leur jeux. Les américains se sont fait une spécialité de la Seconde Ecole de Vienne, enregistrant non seulement Berg, Schönberg et Webern, mais aussi l’intégrale des Quatuors de Zemlinsky ce qui constitue à mes yeux leur grand œuvre discographique. Vous retrouverez ici le 3e Quatuor joué avec ce lyrisme caractéristique, qui cherche derrière les âpretés harmoniques de longues lignes de chant héritées d’Alban Berg. Mais la merveille de l’album est une 3e Quatuor de Brahms solaire, joué d’un trait, d’un enthousiasme contagieux, qui supplante leur lecture de studio plus sévère. Ici, ils se déboutonnent et chantent à pleine voix. Et c’est merveille! (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Formés à la Juilliard School, les LaSalle (nom de leur rue de résidence à Manhattan) ont opéré de 1946 à 1988, avec pour leader puis fameux pédagogue Walter Levin, et pour descendance les Berg (et les Artemis). Face aux Budapest finissant puis aux Juilliard, on les a trop vite identifiés à la seule musique moderne, de la seconde école de Vienne à Lutoslawski ou Ligeti (ils ont créé le second quatuor de celui-ci en 1969, le fabuleux unique quatuor de celui-là en 1965), en passant par Zemlinsky. Et la concurrence des Melos a peut-être aussi limité leur maigre – au regard de leur renommée – discographie chez DG (Debussy-Ravel, un quintette de Schubert, surtout les derniers quatuors de Beethoven). Une nouvelle fois décidément, quel trésor alors que ces captations de la radio SWR, s'étalant de 1965 à 1977 ! Mais ne pas y attendre le supposé et trop ressassé ''style viennois'' – pas du tout leur genre ! – dans ce Haydn (un quatuor Apponyi) dont le second mouvement n'a rien de romantisant, ni le suivant de très primesautier : c'est joué presque à la contemporaine, un peu décortiquant, très construit. Idem pour l'agitato du Brahms, qui ne donne ni dans la nostalgie facile, ni dans le sentimentalisme convenu : c'est toujours très charpenté. Au fait, noter qu'à partir de 1958, ils ont joué sur quatre Amati, ce qui a adouci leur jeu, avec un son plus chaud. Le plus beau est ici ce troisième de Zemlinsky (1924) où, dans une sorte de post-romantisme expressionniste maintenu mais allégé, l'on croirait respirer l'air d'autres planètes (selon ce poème de Stefan George qui inspira le second quatuor de Schœnberg), et dont le Burlesque renvoie au Rondo-Burlesque de la 9ème symphonie de Mahler. C'est selon nous l'une des œuvres les plus personnelles d'un compositeur que Brahms repéra très tôt, et qui malgré le peu de différence d'âge eut pour initiateur à la composition Schœnberg (qui épousa sa sœur). (Gilles-Daniel Percet) LaSalle Quartet was active from 1946 to 1988, however its influence goes far beyond that. Violinist Walter Levine is still a vital, much sought out authority for string players. The quartet has remained one of the primary references in regard to the discussion of important interpretive and practical performance issues. The men of the LaSalle were one of the most influential post war strings quartets to attain such international prestige and renowned for their distinctive tonal character and interpretive approaches. With great determination and also great conviction, the LaSalle Quartet was from their founding, devoted to the repertoire of the late 19th and 20th century. Among these, the works of Schoenberg, Berg and Webern were a significant part, but so were the quartets of Schoenberg's teacher, Alexander Zemlinsky. This CD presents studio recordings from 1965, 1968 and 1977, and draws together Zemlinsky with Haydn and Brahms – a bold program for an ensemble specializing in modern to include some “early music “. But the works ordered here are not presented merely because they are well-known pieces; rather, they are picked up anew and reexamined from a new perspective and with a fresh approach to listening and interpretation. One approaches these quartets thinking critically and listening attentively.
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