Surprenant Camille Saint-Saëns ! Le grand Quintette pour piano et cordes qu’il achève l’année de ses vingt ans est d’une audace, d’une éloquence, d’une fantaisie jusque dans sa manière d’alterner le grave et l’invention qui à chaque fois que je l’entends me laissent sans voix. Peu de versions au disque, celle un rien précautionneuse de Musique Oblique (HM) et le geste autrement affirmé des Fine Arts avec Christina Ortiz (Naxos). Dés les accords de tempête qui ouvre l’Allegro moderato, le ton est donné, enfiévré, passionné, avec quelque de Beethovénien dans l’élan et la fougue. Quel pianiste le fait sonner ainsi ? Andrea Lucchesini lui-même, trop discret au disque depuis bien des années – une intégrale des Sonates de Beethoven pour un label italien qui lui a donné peu de visibilité (Stradivarius), puis voici déjà six ans de très remarquables Impromptus de Schubert (Avie), voila tout – ferait-il son retour, enfin soutenu par un éditeur digne de ce nom ? Il faut l’espérer, car ce premier opus pour Audite, même s’il le présente en musique de chambre, rappelle quel pianiste de premier rang il est. L’excellent Quartetto di Cremona, lancé pour le même éditeur dans une intégrale des Quatuors de Beethoven, brille d’un feu sombre dans le vaste Quintette, mariant son geste à celui si éloquent du pianiste, alors qu’il distille une lumière tout autre au long des prospectives et des inventions brillantes du Premier Quatuor, (1899) bien plus couru au disque. Et là encore le génie de Saint-Saëns brille, qui regarde à la fois vers le modèle Beethovénien et anticipe les grands quatuors français du XXe siècle. Ecrit pour Ysaye, Saint-Saëns y avoue son intérêt pour le Quatuor de Debussy que le violoniste belge et ses amis avaient crée six ans plus tôt. Les archets déliés des italiens, leur sens de la forme mais aussi leur conscience de tout ce que ces pages recèlent d’invention, en délivre la plus complète interprétation que le disque ait connue. Gageons que demain Lucchesini et ses amis nous offriront le Second Quatuor et le Quatuor avec piano (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Musicien français, Camille Saint-Saëns est l’un des créateurs les plus vifs et les plus doués de sa génération. L’académisme mal à propos dont on le taxe n’est apparu que très tard, mais hélas avec suffisamment de force pour en imposer sa marque. Musicien prolifique, il a écrit de multiples chef-d’œuvres pas toujours reconnus à leur juste valeur. L’excellent label Audite présente opportunément deux pièces peu jouées de musique de chambre particulièrement significatives dans la musique de Saint-Saëns. Le quintette pour piano op. 14 écrit à l’âge de 20 ans et le quartet n° 1 écrit à 64 ans, soit 44 ans d’écart! Le quintette pour piano, plein de fraîcheur mais très élaboré, où le romantisme perle à chaque mouvement, rappelle à certains égards Brahms dont Saint-Saëns était un fervent admirateur. En complète opposition, le quartet op. 112, dédié à Eugène Ysaÿe, révèle sans aucun doute une orientation plus dramaturgique, tout en questionnement. Saint-Saëns, morose malgré les succès, compose ici une pièce introvertie voire mystique mais d’une émouvante et surprenante beauté où les phrasés sont étirés à l’extrême dans une sorte de douleur existentielle. Grâce et délicatesse marquent l’interprétation où les musiciens, en totale osmose, participent de la réussite incontestable de ce remarquable enregistrement. (Philippe Zanoly) These two chamber works represent Camille Saint-Saëns’ early perfection and his expressive classical mature style. Brilliance and an unerring sense of form; calm, melancholy resting and energetic gestures; romantic vocal qualities and exquisite compositional art – the contrasts characterising Saint-Saëns’ musical idiom are perfectly realised by the Quartetto di Cremona.
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