La Symphonie en France après César Franck fut le lieu de tous les conflits et celui d’une interrogation majeure : comment survivre à ce model radical ? Bizet et Gounod regardaient absolument ailleurs, se souvenant de Mendelssohn et même de Mozart, Berlioz créait sa propre révolution, D’Indy, Magnard essayèrent de varier la forme malgré le moule, finalement Chausson et Dukas prirent deux directions opposées, le premier faisant entrer l’orchestre de Debussy dans le creuset de Franck, le second se réclamant de Beethoven. Saint-Saëns ne se posa jamais la question Franck. Versé comme il l’était dans l’héritage symphonique des romantiques allemands, son inspiration ne connaissait pas les limites hexagonales. Parmi ses essais de jeunesse, "Urbs Roma" est l’œuvre d’un Saint-Saëns de 21 ans, envoyée au jury de l’Académie Sainte Cécile de Bordeaux anonymement : partition stupéfiante, d’une grandeur implacable, d’une maitrise orchestrale sidérante, dont le ton tragique s’épanche au long de la vaste marche funèbre de l’Adagio, et qui n’aurait pour modèle que l’Eroïca de Beethoven et pour sœur de sang la torrentielle Symphonie d’Edouard Lalo, deux références que Thierry Fischer exalte par sa direction éloquente. Saint-Saëns clôt sa séquence symphonique trois ans plus tard avec une partition tout aussi étonnante. La Symphonie en la mineur réalise la quadrature du cercle : cette fois la forme est parfaite et n’empêche par une haute inspiration mélodique, un orchestre subtilement coloré, qui tout au long de l’œuvre font tendre l’oreille. Le Prestissimo final, avec son giocoso irrésistible, se souvient de celui de la Quatrième Symphonie de Beethoven et s’en démarque par un rythme de tarentelle baigné d’un soleil capricieux. Entre les deux œuvres, "Urbs Roma" si sombre, la 2e Symphonie si lumineuse, Thierry Fischer intercale la "Danse macabre", histoire de rappeler à quel degré de liberté, à quel orchestre virtuose capable de tout décrire, était parvenu Saint-Saëns dans les années 1870 : le violon impeccable de Madeline Adkins conduit ce bal de spectre avec une élégance folle, se gardant des effets auxquels Thierry Fischer préfère un ternaire de pur ballet, et c’est merveille de l’entendre si classique. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Passionné par le répertoire français souvent peu joué, Thierry Fischer galvanise les pupitres de l’Orchestre symphonique d’Utah dont il est le directeur musical depuis 2009. Il restitue la fraîcheur de la Symphonie n° 2, la turbulence de ses mouvements extrêmes, mais aussi l’étonnante sobriété de l’adagio. Si Saint-Saëns y rend hommage au classicisme viennois, celui de Haydn, mais aussi du jeune Beethoven, il songe aussi à l’écriture de Mendelssohn. De fait, l’interprétation bouillonne d’énergie et de fantaisie. La Symphonie devient une œuvre en forme de kaléidoscope des plus habiles. La Danse macabre est tout aussi finement ciselée, portée par l’archet chaleureux de Madeline Adkins, violon solo de la formation. On songe parfois à Berlioz en raison de l’exubérance et des audaces harmoniques de l’écriture dont l’orchestre américain se régale. Rarement enregistrée, la Symphonie “Urbs Roma” ne bénéficia pas d’une réelle promotion, Saint-Saëns l’ayant délaissée après sa création, en 1857. D’un certain académisme, certes, elle brille par le souvenir de Mendelssohn, notamment dans le second mouvement Molto vivace et par quelques trouvailles comme l’idée d’une marche funèbre dans le troisième mouvement. Cette interprétation virtuose et inspirée suscite l’intérêt de bout en bout. (Jean Dandrésy) Saint-Saëns’s Symphony No 2 is, by any standards, an outright winner and deserves tobe much better known. Here, it’s one of two substantial works flanking a rambunctious account of ‘Danse macabre’.
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