On est au concert, durant les Schubertiades 2018 en septembre, voyage de fin d’été de début d’automne, je ne sais trop d’où vient cette nostalgie dorée avec laquelle Pavol Breslik envole de son timbre de Ferrando les poèmes de Muller, cette douceur tragique dès Gute Nacht qui envoute jusqu’au piano immobile d’Amir Katz. Ah ! Ces deux-là nous avaient déjà fait une Schöne Müllerin où passait le souvenir de celle de Wunderlich, mais Wunderlich n’eut pas le temps d’aller jusqu’à Winterreise, auquel il serait venu c’est certain. Breslik lui, formé dans ses Mozart devenu vrai liedersanger par pure fascination de Schubert d’abord, aura pris le temps. Fragile, il entre ici en tremblant, affaire de timbre si clair si mozartien, où la lumière joue dans les mots et fait à elle seule les inflexions si souples, les élans si déchirant avec quelque chose de latin – l’imprécation à la corneille est saisissante en cela. Qui faisait ainsi déjà ? Au oui, Anton Dermota venu très tard au cycle, et avec un timbre, mieux une phonation, très proches : affaire de culture et de naissance, l’un et l’autre sont nés croates, dans cette terre d’ailleurs face à l’Italie et dont le seul horizon musical fut toujours Vienne. Mais ce Winterreise qui vous perd dans sa lyrique effusive et tendre, meilleur moyen de le rendre plus cruel et plus impeccable, célèbre d’abord l’alliage parfait entre une voix et un clavier, car l’autre héros de cette version stupéfiante est bien Amir Katz, pianiste poète dont les disques en soliste chez Orféo m’ont jusqu’alors échappés. Je vous en causerai bientôt. (Jean-Charles Hoffelé) Après les abîmes auxquelles Hotter nous conduit avec Rauchensein en 1943, après la brûlure infligée par Fassbaender, c’est avec circonspection qu’on pose sur la platine un nouveau CD consacré au Voyage d’Hiver, a fortiori par un ténor, lyrique qui plus est. À quarante ans, Pavol Breslik a construit un respectable répertoire d’opéra, Tamino, Nadir et Nemorino en tête. Pour être un Liedersänger accompli, lui manque la mezza voce. La maîtrise de la nuance piano, réelle, ne suffit pas. Mais le ténor slovaque y supplée en jouant sur les qualités intrinsèques de sa voix, le vibrato d’abord ("Gute Nacht" tout en douleur contenue, pudique, sans nostalgie donne le ton pour l’ensemble du cycle), les aigus dardés, les moments les plus lyriques (Der Lindenbaum, Frühlingstraum) phrasés à l’archet. La seule phrase « bin matt zum Niedersinken » (Das Wirstshaus) résume cela et suffit à démontrer l’intelligence artistique du chanteur. Le dénuement, le dosage subtil du timbre dans "Der Wegweiser" et "Der Leiermann" font basculer la fin du cycle dans le surnaturel. Le pianiste Amir Katz a une part décisive à cette réussite, en répondant avec une précision inouïe aux intentions du chanteur (Ihr Bild), et par sa capacité à varier les atmosphères (l’angoisse de "Die Krähe" pour prendre un seul exemple). Une version très personnelle mais cohérente et accomplie, à laquelle on reviendra. (Olivier Gutierrez) "From the very beginning, I had enormous respect for Die Winterreise, because it demands everything from the narrator. Whenever I open a page where I have set the notes aside to gain a fresh view, I have new questions. And sometimes I don’t find an answer to everything. This ‘process’ never stops" (Pavol Breslik). With his 3rd Lieder album for Orfeo, Pavol Breslik sets foot on the Mount Olympus of German song with Schubert’s Winterreise. His recording of Schubert’s Die schöne Müllerin (C737151) was internationally acclaimed, telling us that he has further depth of thought about the masterwork on this recording: "We artists are always strongly influenced by the work we are just doing. We put our entire soul into it and do our very utmost to present it to the listener. Only whoever has really felt suffering, can sing about suffering. Here, it is a question of authenticity".
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