Il y a une triade sacrée du piano russe au début du siècle : Scriabine, Medtner, Rachmaninoff. J’y ai toujours ajouté Segueï Bortkiewicz dont le clavier profus et les compositions savantes rejoignent pour moi celles de ses contemporains. Descendant d’une famille de la noblesse polonaise, petit-russien de naissance (il a vu le jour à Kharkov), élève de Liadov au Conservatoire Impérial de Saint-Pétersbourg, et de Salomon Jadassohn à Leipzig, pianiste virtuose installé dés 1904 à Berlin, il avait emporté son imaginaire ukrainien dans son piano subtil où un ultime romantisme lance des feux splendides. La guerre le plongea dans la misère, il finit par s’installer à Vienne, oublié, exilé, tenu en estime par un petit cercle de connaisseurs, sans jamais renoncer à noircir le papier à musique. Heureusement. Savait-il qu’il écrivait la coda ultime du grand répertoire du piano russe ? Comme ces œuvres sont belles, généreuses, complexes pour les rythmes et les harmonies, surprenantes par les alliages de timbre et parfois simplement géniales comme la grande Sonate ut dièse mineur qui referme le très bel album que lui consacre aujourd’hui Nadejda Vlaeva, pianiste bulgare de grand lignage déjà remarquée à l’occasion d’un splendide programme de transcriptions d’œuvre de Bach signée par Saint-Saëns ou Isidor Philipp pour le même éditeur. Tout ici surprend et séduit, des harmonies scriabiniennes des Préludes, à l’imagination roborative de la Suite Yougoslave, un monde perdu y chante ses contes de fées et ses paysages de neige, tout cela incarné dans le grand clavier subtil de cette pianiste magnifique. Puisse-t-elle poursuivre chez Bortkiewicz dont elle parle la langue si naturellement. L’alliage est magique tout au long de cet album qui sera pour beaucoup une révélation (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Les mélomanes doivent être reconnaissants à Hyperion d'enregistrer des compositeurs tombés dans l'oubli. Le label britannique a déjà dans son catalogue plusieurs disques consacrés à Bortkiewicz, mais les pièces enregistrées sur ce disque le sont pour la plupart pour la première fois. Compositeur ukrainien ayant fui la Révolution de 1917, il finit par s'établir à Vienne où tout ce qui provenait de Russie se trouva interdit pendant la période nazie. Après la guerre, son éditeur, placé sous le contrôle du gouvernement de RDA, n'obtint jamais l'autorisation de publier ses œuvres, et ce n'est qu'en 2012 que ses archives furent rendues publiques. Qu'on n'attende ici nul modernisme, mais un pianisme romantique héritier de la tradition qui a formé Rachmaninov ou Medtner durant la même période. Ce disque propose des œuvres datant toutes des années 40. On y trouve des pages brèves où l'on reconnaît l'influence du dernier Liszt, du jeune Scriabine, de Chopin, voire de Bartók (danse folklorique de la Suite yougoslave). Mais la pièce de résistance est la seconde Sonate, une œuvre généreuse et passionnée où l'intérêt ne faiblit pas. Le piano se fait volontiers orchestre, on admire les contrastes de timbre et le métier très sûr du compositeur. La pianiste bulgare Nadejda Vlaeva se révèle une guide de premier choix pour ce voyage en répertoire inconnu. (Thomas Herreng) Nadejda Vlaeva interprète un programme d'œuvres séduisantes pour piano de Sergei Bortkiewicz, parmi lesquelles un grand nombre n'a été découvert que récemment et a été enregistré seulement pour la premières fois ici. Nadejda Vlaeva performs a programme of alluring piano works by Sergei Bortkiewicz, many of them only recently discovered and here recorded for the first time.
|