Aleksander Tansman, un compositeur postromantique étonnant, la grande révélation de ces dernières années, dans un enregistrement consacré à ses œuvres pour violon et orchestre. Interprétation électrique de ses compatriotes, Bartosz Cajler, l’un des violonistes polonais les plus émergeants aujourd’hui, et le chef Marcin Nalecz-Niesiolowski, pleinement connu pour ces nombreux enregistrements chez DUX. En 1937, Alexandre Tansman écrivit à l’intention de Jacqueline Salomons un Concerto pour violon dont les exigences techniques et l’inspiration épicée excédaient les moyens de La soliste. La critique souligna son incapacité, l’œuvre allait tomber définitivement dans l’oubli lorsque Jascha Heifetz, au cours des années cinquante, la releva, lui donnant un second souffle du moins aux Etats-Unis, hélas sans l’enregistrer (à moins qu’une captation en concert subsiste…). Entre temps, Aldo Ferarese, le premier violon de la Scala, en avait assuré la création européenne, succès sans réel lendemain. Heifetz aura été séduit par l’enjôleur second thème du premier mouvement, qui semblait composé avec dans l’oreille la sonorité même de son Stradivarius. Après avoir écrit les Cinq Pièces pour Szigeti, Tansman rêvait évidemment son concerto pour un artiste d’un même calibre. Mais acceptant la commande de Salomons, il se devait d’en réserver la création à celle-ci, erreur fatale qui aura mis à la marge un des plus beaux concertos pour violon des années trente. Bartosz Caljer n’en offre pas la première version au disque, mais son archet virtuose et ardent, aussi à l’aise dans les spiccatos des ostinatos que dans les lignes lyriques chantournées, saisit toute la poésie alerte, la verve rythmique d’une partition dont Beatrice Halka avait révélé la seule lettre. En voici l’esprit, en tous points du grand Tansman de sa plus libre et aventureuse période, celle de l’entre deux-guerres où son génie s’épanouissait des deux cotés de l’atlantique. L’œuvre est prodigieuse d’invention, toujours suractive – c’est la signature du génie tansmanien – écrite au cordeau pour un orchestre virtuose et piquant où le violon se coule où dont il jaillit avec une liberté frondeuse. Il fallait bien un virtuose de la trempe de Bartosz Cajler – dont je crois bien que c’est le premier disque – pour rendre à ce prodigieux Concerto la place qui doit enfin lui revenir dans le concert de la première moitié du XXe Siècle. Le violoniste ouvre son disque par les Cinq Pièces pour Szigeti, tour à tour brillantes ou émouvantes, alors que Marcin Nalecz-Niesiolowski et sa brillante phalange le referment avec cette autre merveille, la Suite Baroque, écrite en 1958 pour la Chapelle musicale de la Reine des Belges. La guerre est passée avec son lot d’horreurs, mais la verve du musicien ne s’est pas apaisée : brillante, fusante, plus inventive que « néo », elle conclut cet album magnifique par un savoureux Rigaudon. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Alexandre Tansman, né le 11 juin 1897 à Lódz (Pologne) et mort le 15 novembre 1986 à Paris, est un compositeur français d'origine juive polonaise. Il entre au conservatoire de Lódz puis de Varsovie. Il y gagne les trois premiers prix de composition en 1919. Installé à Paris, il est, dans les années 20 et 30, très joué et un ami de grands de son temps (Dufy, Stravinski, Chaplin). En 1927, il rejoint les États-Unis où il crée son second concerto pour piano dédicacé à Charlie Chaplin, sous la baguette de Serge Koussevitzky. Très cosmopolite et doué pour les langues, Alexandre Tansman a entrepris un authentique tour du monde en 1932 et s'intéresse vivement tant à l'Extrême-Orient qu'au jazz. Il rencontre en particulier Gandhi. A l'instar de celle de son contemporain Ernst Krenek, sa carrière est nettement divisée par la Seconde Guerre mondiale. De retour d'exil des États-Unis, il se fixe définitivement en France, où il est l'un des compositeurs les plus joués de l'Ecole de Paris jusqu'en 1974, année à partir de laquelle il tombe assez brutalement dans l'oubli, en raison peut-être de son langage musical, certes moderne et savant, mais aussi luxuriant, en une époque où apparaissait le minimalisme.
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