Elena Bashkirova a tout hérité de l’art de son père, la profondeur du son, la liberté du jeu, la beauté de ce toucher unique surtout, qui timbre le clavier sur toute sa longueur. Cette pianiste trop discrète qui mit sa carrière entre parenthèse pour se dévouer aux deux fils qu’elle eut avec Daniel Barenboïm revient enfin au disque où elle n’était apparue qu’en musique de chambre. D’ailleurs même au concert elle est la discrétion même, n’y consentant la plupart du temps que pour accompagner son fils violoniste, Michael Barenboïm. Quel meilleur choix que Les Saisons de Tchaïkovski ce recueil déduit des aphorismes poétiques que le compositeur tira des vers de Pouchkine, des Décabristes, de Malkow, de Felt, de Koltsov entre autres. Si les doigts n’y sont pas trop sollicités, la musique en est si subtilement évocatrice qu’elle exige un artiste. J’ai toujours adoré ce recueil depuis que je l’ai découvert dans un méchant microsillon Westminster mal pressé mais sous les doigts de Lev Oborin. J’en ai collationné bien des versions, Engerer, Pletniev, Ashkenazy, Naoumoff, Harada, mais jamais depuis Oborin je n’avais retrouvé cette simplicité poétique, ce ton magique, ces sonorités si évocatrice. Après la « Valse de Nöel », emmenée sur les pointes, elle complète le cycle en lui adjoignant les vingt-sept miniatures de L’Album pour les enfants, seconde merveille sous ses doigts si tendres. Ce disque édité avec art dans un petit coffret enserrant un livret à l’iconographie choisie me fait espérer qu’Elena Bashkirova retrouvera vite le chemin des studios d’enregistrement. Elle est une des interprètes majeures de Schubert, ses Impromptus, ses sonates ne doivent pas nous manquer au disque (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Le sphinx de la musique russe. Dès lors que Piotr Ilitch Tchaïkovski se sentait en confiance dans un cercle, il savait charmer avec son charme fragile tout un chacun qui jouissait du privilège de lui être proche. Néanmoins il lui arrivait parfois de développer aussi une timidité maladive qui ne lui laissait qu'une fuite panique comme unique porte de sortie. Et les années 1876 à 1878 en particulier n'ont pas manqué en crises personnelles. Il a pourtant quand même réussi à composer au cours de cette période deux cycles pour piano qui contiennent de véritables joyaux de pure poésie : ?Les saisons', opus 37bis et ?l'Album pour enfants', opus 39. Les titres simples et les mélodies faciles à comprendre font aisément oublier qu'il s'agit ici en vérité d'exercices et d'études concernant des difficultés de composition les plus variées. Tout auditeur attentif ressent très distinctement la discrète « musique derrière la musique. » Un univers ravissant constitué de formes musicales parfaites se révèle presque en secret. The Sphinx of Russian music. In an intimate circle, Peter Ilyich Tchaikovsky with his fragile charm could be spell-binding to all those who enjoyed the privilege of his presence. At times, however, he developed a shyness towards people that left him no other possible way out than to flee in panic. The years from 1876 to 1878 were particularly rich in personal crises. And yet he wrote in this period two piano cycles that contain real jewels of consummate poetry – ?The Seasons' Opus 37bis and the ?Children’s Album' Opus 39. The catchy titles of the pieces and their readily comprehensible melodies make it easy to forget that their true nature is that of models, of studies on a greatest diversity of compositional problems. Whoever listens closely is very likely to detect the discreet "Music behind the music". Almost secretly, a beguiling world of perfect musical forms is revealed.
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