 Si la seconde Ecole de Vienne a réinventé le quatuor à cordes, les enfants terribles de la génération suivante, menée par l’exemple impertinent de Paul Hindemith, allèrent plus loin encore avant de laisser l’avenir du genre en quelque sorte orphelin : parmi ces jeunes hommes si férus du jeux à quatre instruments à cordes, Hans Krasa, Pavel Haas et Viktor Ulmann finirent tragiquement, victimes de la solution finale, et leur père-frère spirituel, Erwin Schulhoff, s’éteindra en 1942, emporté par la tuberculose au camp de Wülzburg sans jamais avoir reçu son visa pour l’URSS de ses rêves. Le jeune Quatuor Bennewitz regroupe pour son deuxième album pour Supraphon – le premier consacré à des quintettes avec clarinette du classicisme m’a échappé, j’y reviendrais – une œuvre de chacun de ces compositeurs dont le père spirituel commun fut Leoš Janacek. Le ton élégiaque et inquiet du 3e Quatuor de Ulmann, la science poétique du Thème et Variations de Krasa trouve dans leurs archets égaux, la volupté assez viennoise de leur sonorité, une élégance qui les fait beau comme des classiques. Les quatre amis se débrident dans le cahier des pièces de caractères de Schulhoff, savourant le sublime Tango milonga, mais ils parviennent à une dimension supplémentaire lorsque parait le chef d’œuvre de l’album, gardé dans l’esprit d’un crescendo émotionnel pour la fin du disque. Quelle œuvre que le Deuxième Quatuor de Pavel Haas, nocturne en quatre mouvements d’une poésie mortifère où passe sans cesse le souvenir de Leoš Janacek, comme ils jouent cela très « nuits et brouillard », avant que n’explosent les hallucinations de la « Diva noc », archets serrés à la cordes, quatuor brasier où les pizzicatos et la percussion font un génial sabbat de cabaret, mais la nuit seule reviendra. Une interprétation ? Une révélation. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Le cynisme nazi fit du camp de concentration de Terezin l'outil d'une des plus sinistres opérations de communication de l'histoire. Pendant quelques mois des artistes (dont Robert Desnos) trouvèrent là un illusoire refuge et purent créer. Le quatuor Bennewitz redonne voix à quelques-uns d'entre eux. Disciple de Schoenberg et Haba, c'est à Terezin même que Viktor Ullmann (1898-1944) compose son troisième quatuor : quatre courts mouvements inquiets, tendus, où mélodie et harmonie cherchent leur chemin. Comme son opéra « Brundibar », les variations de Hans Krása (1899-1944) étaient déjà composées mais seront créées à Terezin où elles feront résonner leur ironie. Le quatuor de Pavel Hass (1899-1944), créé en 1925, nous emmène sur les sentiers de Moravie, dans un style imprégné de rythmes et de couleurs hérité de son maître Janacek. Ecrites en 1923, les pièces d'Erwin Schulhoff (1894-1942) jouent avec bonheur des rythmes du temps, évoquant irrésistiblement ses contemporains européens (Stravinski, Milhaud...) sans rien leur céder. Alternant entre retrait méditatif et belle énergie, le quatuor Bennewitz nous livre ses pièces avec peut-être parfois un peu trop de retenue, mais sait surtout en faire entendre l'art, au-delà des drames de l'histoire. Non, Auschwitz n'aura pas le dernier mot. (Marc Ossorguine) The composers whose music is featured on the present album lived and worked in Czechoslovakia between the two world wars, and their fates were afflicted by the monstrous Nazi regime. Viktor Ullmann, who before WWII held the post of Kapellmeister at the New German Theatre, wrote Quartet No. 3 while he was detained at the Theresienstadt ghetto-camp. Hans Krása completed the Theme and Variations in 1936, yet he only saw it performed in Theresienstadt, along with his children’s opera Brundibár. Erwin Schulhoff’s Five Pieces reveal his zest for rhythm and dance, as well as his evidently having been inspired by the music of the Viennese salons, Italy and Spain. Pavel Haas’s Quartet No. 2, dating from 1925, serves as vivid proof of the claim that the composer was the most gifted pupil of Leoš Janácek. In October 1944, Haas, Ullmann and Krása were among the thousands of Theresienstadt prisoners transported to Auschwitz, where they would be murdered in the gas chambers. The Bennewitz Quartet launched their international career following their victories at the prestigious competition in Osaka (2005) and the Prémio Paolo Borciani in Italy (2008).
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