Alina Ibragimova ne fait rien comme personne, elle appartient à cette nouvelle génération de violoniste qui se servent de leur instrument à des fins expressives, sans plus se soucier du beau son – Patricia Kopatckhinskaja pourrait être artistiquement sa sœur jumelle. Après une détonante intégrale des Sonates pour violon et piano de Beethoven où chaque mesure surprenait l’oreille, la voila qui se confronte aux Sonates d’Ysaÿe, cahier écrit directement par le Diable auprès duquel les Caprices de Paganini sont des plaisanteries. Il faut entendre les effets incroyables qu’elle tire de son violon dans le début de la Sonate Ballade, c’est comme si les dessins de Rops s’invitaient dans la musique d’Ysaÿe. D’ailleurs, sous son archet tout le cahier est frôlé par l’aile du bizarre, atteint à cette dimension entre rêve et cauchemar des toiles des peintres symbolistes qui furent les amis du violoniste, et font de l’audition intégrale du cycle une fantasmagorie où la virtuosité n’a plus de place, disparue derrière une narration intense, parfois irrespirable. Ce cahier a connu une efflorescence de nouvelles versions assez incroyable depuis l’avènement du CD, souvent d’une qualité exceptionnelle, celle d’Alina Ibragimova ne s’y ajoute pas, elle regarde définitivement ailleurs et n’en finira pas de vous étonner. Puisse-t-elle poursuivre chez Ysaÿe en enregistrant les splendides poèmes pour violon et orchestre, vrais chefs-d’œuvre de leur compositeur, si peu courus au disque (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Eugène Ysaÿe, violoniste et compositeur belge (né à Liège) fut l'élève à Bruxelles et à Paris des maîtres Henri Vieuxtemps et Henryk Wienawski. Il eut une réputation de virtuose avant d'être membre d'un quatuor à son nom puis chef d'orchestre. Devenu soliste à part entière et parcourant l'Europe, il est dédicataire de nombreuses œuvres (Le Poème de Chausson, une Sonate de Franck, le quatuor de Debussy). Compositeur, il est l'auteur d'un petit corpus d'œuvres pour violon : six sonates, six concertos (rarement joués et enregistrés) et de nombreuses petites pièces à l'usage des violonistes confirmés. Le recueil des six sonates fut composé rapidement, vingt quatre heures pour les premières premières esquisses jusqu'aux révisions ultérieures, entre les années 1923-24. Elles sont dédiées aux violonistes les plus prestigieux de l'époque : Szigeti, Thibaud, Enesco, Kreisler. Chaque sonate est personnalisée en fonction de son dédicataire, comme un portrait. Le Sixième Sonate dédiée à Quiroga doit beaucoup au folklore espagnol, celle dédiée à Georges Enesco est imprégnée de folklore roumain. D'autres musiciens se sont essayés à la sonate pour violon seul : Stravinsky, Hindemith, Bartok ou Reger mais la référence à Bach est inévitable. Même si la technique du violon a évoluée, le travail de l'instrument et de l'archet évoque l'auguste Jean Sébastien. Idem pour l'indication des mouvements : danses, préludes, fugatos et une fameuse sarabande. La première sonate est quasiment calquée sur le modèle de Bach. Chez Ysaÿe, dissonances et improvisation sont sœurs jumelles (on pense à Biber) et l'aspect viril et virtuose n'est pas primordial (comme chez Sarasate). Ysaye d'ailleurs ne mettait jamais sa technique en avant. Il affectionnait les glissandi et une sonorité douce. Une respiration naturelle. Alina Ibragimova possède elle aussi la mesure, les doigts, le chant et l'esprit. Ses disques témoignent d'un goût subtil (Bach, Schubert, Szymanovski, Roslavets, Hartman) et sa technique aguerrie épouse ici naturellement le caractère de chaque sonate. Son violon (un Anselmo Bellosio de 1775) restitue avec éclat les mille effets et parfums inhérents à cette musique. (Jérôme Angouillant) Les sonates d’Ysaÿe pour violon ont été ébauchées en l’espace de vingt-quatre heures dans le courant de l’été 1923, en réponse à la question de pourquoi—en plus de deux-cents ans—personne n’avait tenté de suivre la voie tracée par Jean-Sébastien Bach. Chacune de ces six nouvelles sonates est entièrement dédiée et personnalisée en fonction du style de jeu du violoniste contemporain, et ces œuvres constituent de ce fait un grand défi. La violoniste virtuose Alina Ibragimova, dont l’enregistrement précédent des sonates de Bach fut révélateur, nous livre une interprétation tout à fait digne de cet éminent héritage. Ysaÿe’s Sonatas for solo violin were sketched out in a fevered twenty-four hours during the summer of 1923, a response to the question of why—in over two hundred years—no one had attempted to follow the path forged by Johann Sebastian Bach. Each of these six new Sonatas is dedicated to and customized around the playing style of a contemporary violinist, and as such they present formidable challenges. Russian virtuoso Alina Ibragimova, whose earlier recording of the Bach Sonatas was revelatory, turns out performances fully worthy of this distinguished ancestry.
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